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Posts Tagged ‘Denis Podalydès’

Deux semaines de films – du 18 juin au 1er juillet 2012

Posted by Axel de Velp sur 5 juillet 2012

Je vous propose, à l’occasion, un récapitulatif des films que j’ai visionnés sur une semaine et de vous en donner une lecture, à la fois critique, partiale et plus ou moins succincte, selon ce que les films m’inspireront au fil de l’écriture de ces billets, que je souhaite les plus spontanés possible. J’espère parfois vous donner envie ou vous dégoûter, selon chacun, chacune et chaque film…
Dans la mesure du possible, je m’abstiendrais de dévoiler trop des films, sauf quand j’estimerai qu’ils font partie du patrimoine cinéphilique obligatoire (j’exagère bien entendu), ou bien lorsque mon propos ne pourrait se passer, pour être limpide, d’explications précises, ou bien aussi lorsque je n’aurai que trop peu d’estime pour le film en question.

Si la première des deux semaines critiquées ici fut chargée en « matériau », on ne peut pas en dire autant de la seconde, d’où l’idée de les réunir pour la publication. Finalement, en l’espace de 14 jours, je me serai baladé de films en films sur des cinématographies très variées tant par leur nationalité que par leur genre. Je vous laisse le soin de découvrir cette balade, qui va du film d’espionnage au film social anglais, en passant par les comédies potaches françaises et US, le film d’auteur mexicain et l’animation nippone !

Lundi 18 juin

L’Affaire Rachel Singer (réal. John Madden, 2010)

Remake d’un film israélien de 2007, Ha-Hov, de Assaf Bernstein, The Debt raconte comment 3 agents du Mossad, Rachel, David et Stephan, en mission en Allemagne de l’Est dans les années 60, vont tenter d’exfiltrer, après l’avoir enlevé, un ancien nazi, le « chirurgien de Birkenau » (surnom qui a été donné dans la réalité à Mengele »). 30 années plus tard, les protagonistes sont de nouveau confrontés à ce passé périlleux, dont le secret le plus retentissant n’appartient qu’à eux. Même si assez rapidement on peut se douter du secret de polichinelle que cache le récit, il faut avouer que le récit en flash-back est assez intelligemment mené, par le biais d’une narration limpide et bien structurée. On se trouve là devant un film d’espionnage assez classique, mais efficace. Je ne me prononcerai pas sur ses qualités ou ses défauts de remake, n’ayant pas vu l’original, mais au vu des articules publiés ici ou là sur la Toile, il semblerait que le film US mette plus l’accent sur le triangle amoureux entre les 3 agents que le film israélien, ainsi que sur quelques rares scènes d’action, dont une plutôt réussie (l’échec de l’exfiltration) et une autre assez ratée (la bagarre dans l’asile à la fin du film). Finalement, la mise en scène plate mais conventionnelle, le jeu des comédiens là aussi très attendu mais sans fausses notes, donne un film une efficacité et une facture de qualité. Pas inoubliable, The Debt permet néanmoins de renouer avec plaisir avec un cinéma d’espionnage, que les américains ont eu tendance à négliger cette dernière décennie, mais qui semble revenir en force depuis un ou deux ans.

Mercredi 20 juin

Le Filet (réal. Emilio Fernandez, 1953)

Réalisé par l’un grands noms du cinéma mexicain de la seconde moitié du XXème siècle, Le Filet est un film qui narre la vie à trois de deux brigands et de la femme de l’un d’entre eux (ancienne amante du second), vivant en reclus au bord de la plage, sur les falaises, survivant grâce aux poissons et aux éponges, qu’ils vendent sur le marché du village voisin. Film assez avare en dialogues, une grande partie des enjeux du triangle amoureux se situent dans le jeu tout en gestes, regards et attitudes des comédiens. Appuyé par une mise en scène classique (dont l’usage d’éléments de premier plan, comme perturbateur de la lecture du cadre, sont autant de clins d’œil à un Von Sternberg, pour ne citer que lui), le montage est d’une rare efficacité tant il sait appeler d’un plan à l’autre les enchaînements que la narration du récit imposent. Cependant, le film repose avant tout sur la présence ensorcelante de son actrice principale et de sa plastique envoutante (le cinéaste ne s’y est d’ailleurs pas trompé, puisqu’elle passe près des ¾ du film dans des tenues suggestives ou la mettant en valeur plus que de nécessaire ou de réaliste). Pour finir, le film, et son histoire somme toute banale, est également sublimé par une photographie magnifique, qui rend parfaitement justice à cette côte mexicaine, faîte de jungles éparses, de falaises rocheuses et peu arborées, de plages aux vagues incessantes, dont le ressac scande le passage lent des heures du jour. Seul élément du récit qui sort quelque peu du schéma habituel auquel on peut être habitué pour ce genre de films : la protection offerte par la ville aux brigands en cavale, réfugiés près de la mer, est le signe profond d’une méfiance du Mexique populaire et rural face à son État et le gouvernement et les instances qui le représentent (en particulier la police fédérale).

Jeudi 21 juin

The Dictator (réal. Larry Charles, 2012)

Sacha Baron Cohen fait certainement partie des grands comiques américains apparus ces 15 dernières années : l’acteur est excellent (revoir le dernier Scorsese sur ce point pour le comprendre) et les déploiements comiques qui sont les siens sont toujours assez osés. Si je n’ai pas encore vu Brüno (mais je vais vite me rattraper), Borat en revanche m’avait laissé une impression mitigée, mais globalement positive. Quelques séquences (comme celle qui se déroule dans une église protestante fondamentaliste si je me souviens bien) en rattrapaient largement d’autres. Par des effets comiques s’appuyant sur les principes de l’excessif, de l’outrage ou de l’opposition à la bienséance et le politiquement correct, Baron Cohen nous force à regarder nos propres travers et à nous remettre en question sur nos excès de bonne volonté ou de bons sentiments. Mais avec The Dictator, il nous force aussi à être critique sur les excès inverses : à trop vouloir parfois s’affranchir d’une « bien-pensance », cela nous pousserait à oublier les raisons de tel ou tel contrat social aujourd’hui établi. Il en va ainsi dans The Dictator, lorsqu’il est très évident pour lui que c’est l’environnement qui détermine l’homme (jusqu’à un certain point). Là aussi le film passe d’une scène comique à l’autre, mais avec une intelligence du « liant » scénaristique et narratif bien plus réussi que ça ne l’était dans Borat. Le film joue également très bien de son image et de tout l’environnement qu’il a su créer autour, qui en font à la fois un élément subversif et en même temps une énorme machine de marketing très bien huilée… C’est la force du cinéma de Baron Cohen : savoir remettre en causes les autres et jusqu’à soi-même. Se montrer comme l’étape ultime du travail de dérision, auquel rien ne doit échapper, pas même la dérision en propre.

Vendredi 22 juin

Adieu Berthe, l’enterrement de Mémé (réal. Bruno Podalydès, 2012)

Pour moi Denis Podalydès est l’un des plus grands acteurs français de ces vingt dernières années. Avec d’autres, comme Jean-Pierre Darroussin par exemple, il propose une présence, une subtilité différente de l’ancienne garde d’acteurs français. Chez lui, c’est un jeu, hérité du théâtre, mais affranchi des limites des planches et de la scène, et qui sait allier sophistication et naturel immédiat. En tandem avec son frère, ils ont proposé des films de qualité variée mais toujours d’une intelligence délicate et spontanée, même quand ils adaptent Gaston Leroux. Avec Adieu Berthe, les frères Podalydès nous proposent de réfléchir sur des sujets sérieux (la mort, la séparation, l’adultère, l’indépendance), au travers de personnages loufoques et un peu barrés, à tout le moins paumés. Le film aborde ces questions sérieuses avec beaucoup d’humour, tant dans les dialogues que dans les situations comiques, et ce qui fait le lien entre tout cela, c’est une touche de poésie, incarnée par la référence constante à la magie. La réalisation comme souvent chez Bruno Podalydès n’est pas sans efficacité avec un certain classicisme, cependant quelques scènes viennent donner un léger grain de folie visuelle. Il ne faut cependant pas se leurrer, il s’agit là avant tout d’un cinéma centré sur le récit et la narration, par le biais des dialogues et du jeu des comédiens, et dans ce genre-là, il faut reconnaître que le film est une réussite complète. Je ne saurai que trop le conseiller…

La Vérité si je mens ! 3 (réal. Thomas Gilou, 2011)

Si je reconnais que les deux premiers opus étaient disposés à me faire rire, le plus souvent de bon cœur, je ne peux pas en dire autant de ce troisième volet. J’ai pu sourire à l’occasion, peut-être même rigoler franchement sur une ou deux scènes, mais ça s’arrête là. On sent les acteurs fatigués par des accents et des situations comiques qui se répètent. La réalisation est peu inspirée, parfois même bancale et supporte mal quelques grossières erreurs de montage. Mais ce qui est sûrement le plus désagréable c’est l’indécence de valeurs du film et l’ignorance de la réalité sociale de la France d’aujourd’hui dans laquelle baigne le film. Il est des comiques dont il ne faut pas rire à certains moments, quand bien même je pense que l’on peut rire de tout, encore faut-il savoir comment on doit le faire. Les années écoulées entre le deuxième et le troisième film ont changé certaines donnes. Le « bling-bling » ne fait plus rire ou fantasmer de la même façon qu’avant et même dans l’idée qu’il faudrait proposer au spectateur morose une évasion de sa triste réalité, la mise en scène de cette évasion ne fait pas vraiment rêver…

Samedi 23 juin

Romeo + Juliet (réal. Baz Luhrmann, 1996)

Près de quinze après sa sortie, le film de Luhrmann garde sa force toute particulière. Vidéoclip version longue pour les uns (dont je ne fais pas partie), sublime adaptation post-moderne de la pièce de Shakespeare (mon opinion bien entendu), il n’en demeure pas moins, quelque soit le côté vers lequel on penche, qu’il faut saluer dans la démarche de Luhrmann deux éléments qui ne peuvent que rendre l’entreprise singulière : premièrement le choix de coller au texte le plus possible, non pas dans la coupe de certaines scènes ou répliques, mais surtout dans le texte lui-même, ce phrasé si particulier de l’anglais de l’époque. Deuxièmement, le choix de placer ce texte dans un environnement qui lui semble étranger : une version moderne de Verona, à mi-chemin entre la ville californienne décadente et la cité balnéaire mexicaine, en proie à la fureur des armes et des gangs. Pour le moi, le charme opère : réalisation survoltée mais toujours à propos, esthétique kitsch en parfaite harmonie avec le décalage entre la « mise en place » et le texte d’origine, bande originale choisie avec une maestria digne d’un Tarantino ou d’un Kubrick dans leur genre et jusqu’au casting qui malgré beaucoup de seconds rôles à peine effleurés (les parents de Romeo, le Prince et d’autres) est d’une intelligence et d’une qualité rarement atteinte sur l’ensemble des rôles. Reste au final également la révélation de deux jeunes comédiens, DiCaprio et Danes qui livre ici un jeu total, d’une rare finesse et d’une juste emphase, jeu qui n’est jamais éclipsée par la mise en scène faste et halluciné de Luhrmann.

L’Étrange Noël de Monsieur Jack (réal. Henry Selick, 1993)

Pour des questions familiales (qui seront reproduites ci-dessous avec L’Ours), j’ai vu ce film en VF pour la première fois. Alors que je ne l’avais jamais vu autrement qu’en VO (j’ai découvert ce film en trailer sur une VHS importée d’Angleterre de Reservoir Dogs et lorsque je le vis pour la première fois, ce fut sur un support identique), je me suis rendu compte de deux choses : la première, c’est la force des textes d’Elfman inspiré par le scénario de Burton, McDowell et Thompson, qui malgré une traduction, reste entière. La seconde c’est la capacité de Burton à avoir créé un imaginaire à partir de contes, légendes et folklores, qui capte l’attention, met le spectateur en terrain connu, tout en lui ménageant de constantes surprises. Alors il ne faut pas oublier que la réalisation n’est pas de Burton, mais de Selick, dont la suite de la carrière (James et la pêche géante, Coraline) prouvera bien qu’il ne fut pas qu’un tâcheron à la solde de Burton sur le film, bien au contraire. La qualité de l’animation image par image est exemplaire et colle parfaitement aux chansons d’Elfman, qui prête d’ailleurs sa voix dans la version originale. La mise en scène est assez élégante et par moment très enlevée, le rythme du film ne s’essouffle jamais et sait toujours rebondir d’une situation à une autre.

Dimanche 24 juin

L’Ours (réal. Jean-Jacques Annaud, 1988)

Je n’avais pas revu ce film depuis ma tendre enfance et le redécouvrir en Blu-ray fut un vrai plaisir. J’avais le souvenir d’images marquantes et en effet la photographie (mais comme souvent chez Annaud) est magnifique et rend parfaitement justice à la montagne et aux animaux. L’intelligence du scénario réside dans sa capacité à nous faire comprendre les impératifs de l’ourson et de son « père adoptif », uniquement par le biais du montage et de l’excellent dressage des bêtes. Les séquences de rêves de l’ourson sont amusantes et le parti pris d’une animation image par image (réalisée par un spécialiste tchèque Bretislav Pojar) est un choix pertinent afin de créer une frontière entre les deux niveaux de récit, en particulier pour faire comprendre facilement à des enfants (public premier du film) le passage de l’un à l’autre. L’émotion que le film dégage est du aussi en partie au jeu des comédiens, en particulier Tchéky Karyo, qui trouve ici certainement l’un de ses meilleurs rôles. La narration ne fait preuve d’aucune erreur de rythme et le film se déroule implacablement jusqu’à sa fin, un peu idyllique mais ô combien positive. Le regarder reste donc une expérience visuelle et émotive très forte, autant pour les plus jeunes que les plus âgés…

Millenium Actress (réal. KON Satoshi, 2001)

Réalisateur de 4 films et d’une série télévisée (il a bien entendu participé à beaucoup d’autres productions animées que juste celles-là), KON Satoshi nous a quitté bien trop tôt pour que son œuvre semble achevée. En effet, le réalisateur de Perfect Blue, Millenium Actress, Tokyo Godfathers, Paprika et Paranoïa Agent, semblait vouloir toujours se faire télescoper réalité et monde imaginaire ou virtuel, fantasmé ou marginal. Dans Millenium Actress, il rend un hommage vibrant au cinéma japonais depuis les années d’avant-guerre jusqu’aux années 70, par le biais d’une histoire d’amour impossible et mythifiée par sa protagoniste principale. Si la narration est complexe, c’est parce que KON souhaite que le spectateur se perde dans la mémoire de cette actrice, dont le passage du temps a mélangé ses souvenirs avec les fantasmes de ses retrouvailles avec un homme qu’elle avait protégé de la police secrète japonaise. On passe de la réalité d’un plateau de tournage à celle d’un film de sabre ou bien à celle d’un drame romantique. Le saut qualitatif d’une image virtuelle ou fantasmée à celle qui dépeint une réalité (que celle ci soit souvenir ou le présent en train de se dérouler) se fait sans aucun problème, à la fois parce que le montage le permet (dans la résolution du passage dans la coupe d’un champ/contre-champ par exemple), mais surtout parce qu’il n’y pas de différence d’image dans le dessin lui-même (à l’exception d’une séquence qui montrerait un récit « en accéléré » des films tournés par la comédienne). C’est là une des grandes forces de l’animation. Le dessin d’une scène de réalité a la même « valeur » visuelle que celui d’une scène de souvenir, de fantasme ou d’imaginaire. Cela KON l’avait parfaitement compris et il n’est pas étonnant que dans tous ses films et projets, l’animation serve avant tout un propos sur le mélange des niveaux de réalité et de perception du monde de la part de ses personnages mais finalement aussi du spectateur. Le mélange entre rêve, récit, réalité, imaginaire, est le grand propos de l’œuvre du cinéaste de Paprika. Avec Millenium Actress, il y mêle un hommage appuyé au cinéma (japonais plus particulièrement), accompagnée d’une histoire d’amour contrarié aux accents lyriques.

Mercredi 27 juin

My Name is Hallam Foe (réal. David McKenzie, 2007)

Quatrième long métrage du réalisateur anglais (qui en compte aujourd’hui sept à son actif), My Name is Hallam Foe narre les mésaventures d’un jeune homme perturbé par la mort de sa mère (dont il imagine sa belle-mère coupable) et qui va décider de fuguer de chez son père et de vivre par lui-même dans la capitale écossaise. Il va y rencontrer une jeune fille qui ressemble étrangement à sa mère dans sa jeunesse et va progressivement tomber amoureux d’elle. Si l’histoire d’amour raté que le film met en scène n’est pas particulièrement originale (sauf peut-être son dénouement qui évite au film d’être trop marqué par la tendance habituelle anglo-saxonne au happy ending), son environnement l’est déjà plus. En effet, le personnage, incarné par l’excellent Jamie Bell (Billy Elliot, King Kong, La Mémoire de nos pères), est un voyeur obsessionnel et  légèrement paranoïaque, en plus d’être gravement perturbé par la mort de sa mère, au point de sombrer dans une folie meurtrière. Cette écriture intéressante et complexe du personnage central du film, si elle plaide en faveur d’une certaine recherche de complexité dramatique, a malheureusement pour effet secondaire d’empêcher une identification facile au héros du film. Le spectateur oscille entre empathie et dégoût. Cela étant l’ensemble des personnages ne sont pas des enfants de chœur, y compris l’héroïne, et permet de fondre le personnage principal dans une masse à laquelle il semble plus ou moins bien appartenir. Le jeu des comédiens est pour beaucoup dans la qualité du film (la présence de Ciaran Hinds dans un rôle secondaire tardif est un vrai plaisir), car la mise en scène ne brille pas par son inventivité ou même son efficacité. Cela dit, elle n’est pas pour autant médiocre et fait le nécessaire, voire un peu plus si l’on ne s’arrête qu’à la photographie qui a le mérite d’être particulièrement réussie et rend un très bel hommage aux couleurs urbaines et campagnardes d’une Écosse, que l’on aperçoit que trop rarement sur nos écrans français…

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Une semaine de films – du 27 février au 4 mars 2012

Posted by Axel de Velp sur 5 mars 2012

Je vous propose, à l’occasion, un récapitulatif des films que j’ai visionnés sur une semaine et de vous en donner une lecture, à la fois critique, partiale et plus ou moins succincte, selon ce que les films m’inspireront au fil de l’écriture de ces billets, que je souhaite les plus spontanés possible. J’espère parfois vous donner envie ou vous dégoûter, selon chacun, chacune et chaque film….
Dans la mesure du possible, je m’abstiendrais de dévoiler trop des films, sauf quand j’estimerai qu’ils font partie du patrimoine cinéphilique obligatoire (j’exagère bien entendu), ou bien lorsque mon propos ne pourrait se passer, pour être limpide, d’explications précises, ou bien aussi lorsque je n’aurai que trop peu d’estime pour le film en question…

Mardi 28 février

La Dame de fer (réal. Phyllida Lloyd, 2011)

Je suis très déçu par ce film qui propose non pas de brosser un portrait de la Dame de fer, sous l’angle historique ou politique, pas même sous l’angle de la politicienne qu’elle fut, mais finalement beaucoup plus sur ce qu’elle est devenue ensuite. Sénile, Margaret Thatcher vit entourée de sa fille et d’un personnel de maison dont elle n’a que faire. Alors qu’elle veut trier les affaires de son mari (mort dix ans plus tôt), elle va passer en revue sa vie au gré de souvenirs plus ou moins marquants, hantée par le fantôme de son mari que son esprit n’arrive pas à « chasser ». Malheureusement Phyllida Lloyd, qui signe là son deuxième long métrage, après l’adaptation cinématographique de la pièce Mamma Mia !, s’attarde trop sur la vieillesse de la première femme Premier Ministre britannique, pour nous permettre d’apprécier pleinement un discours sur son histoire et l’Histoire de l’Angleterre qu’elle a dirigée. Occupant plus de la moitié du film, les scènes de vieillesse viennent attendrir un personnage dont la postérité n’est plus à démontrer, que l’on soit d’accord ou pas avec les idées que Thatcher défendait. Enfonçant des portes ouvertes et ne parlant que de choses que la majorité d’entre nous connaissent déjà très bien, la cinéaste pose quelques opinions critiques (et encore) mais se garde bien de les fouiller. Finalement, on aurait pu aussi apprécier, au-delà de la critique historique, économique ou sociale des idées « Thatcheriennes », un profil psychologique de l’animal politique que fut la Dame de fer. Là encore, le film ne va jamais très loin et se concentrant essentiellement sur sa période en poste à la tête du pays, on ne comprend pas bien pleinement le parcours que cette femme a pu avoir et construire pour arriver à s’imposer à la tête de son parti et de son pays. Accumulant des images d’archives comme autant de clichés d’histoire et oubliant de proposer une profondeur critique, le film ne convainc pas. Sur la période de vieillesse, bien sûr à demi-mots, il est proposé de croire que, peut-être (excès de prudence est la mère de toute prévention d’accusation de médisance), Margaret Thatcher regrette quelques erreurs de son passé, mais lesquelles ? D’avoir abandonné son mari et ses enfants ? Ou d’avoir fait payer certains pour le redressement de l’Angleterre qu’elle estimait juste ? Le film ne convainc pas non plus sur les flashbacks qui ne sont pas assez critiques ou détaillés ou qui ne montrent pas assez la politicienne à l’œuvre et non juste des faits de politique. Je pense ici à des films similaires et l’un qui me vient à l’esprit est La Conquête de Xavier Duringer. Sur un sujet bien plus contemporain, le cinéaste avait su proposer avec lucidité et efficacité, au-delà des positions politiques de chacun des spectateurs qu’il aurait en face de son film, le profil de politicien, de bête de campagne de Nicolas Sarkozy. Malgré quelques défauts, il avait offert un traitement de son sujet plutôt réussi et abouti, en particulier sur le jeu des comédiens et tout spécialement celui de Denis Podalydès. Le film de Phyllida Lloyd, bien que la prestation de Meryl Streep soit d’un niveau remarquable (mais pas au niveau de l’acteur français), n’arrive pas même à atteindre cette qualité de lecture d’une figure politicienne qui, indéniablement pour le meilleur et probablement pour le pire, a marqué l’histoire contemporaine.

Mercredi 29 février

The Next Three Days (réal. Paul Haggis, 2010)

Remake du film français, Pour elle, de Fred Cavayé, réalisateur aussi de l’excellent A bout portant, The Next Three Days reprend avec efficacité tout le sel du polar d’origine. Russel Crowe est crédible dans son rôle de professeur d’université, obligé de se confronter à une réalité qui le dépasse mais dont il saura dompter tous les obstacles. Paul Haggis, réalisateur de l’oscarisé Crash, fait un travail classique mais de bonne facture. La mise en scène est efficace (la scène dans la voiture sur l’autoroute est à ce titre un bel exploit de réalisation). Elle sait jouer habilement avec les nerfs du spectateur dans certaines scènes et le montage n’est pas en reste. En particulier lors d’une séquence vers la fin du film, Haggis joue sur ce gimmick habituel du film à suspense : montrer au spectateur une séquence en montage supposément alterné (deux événements distincts se déroulent simultanément dans des espaces qui peuvent être assez proches : des poursuivants et des poursuivis), pour finir par relâcher la tension en nous faisant comprendre que nous n’étions finalement que devant un montage parallèle (deux événements distincts qui n’ont pas de simultanéité ou pas le même espace de résolution). L’astuce consiste à donner à chaque événement la même dynamique (des poursuivants d’un côté, des poursuivis de l’autre, en l’occurrence). Mais sorti de cette bonne facture et quand bien même le film présente bien, il lui manque quelque chose pour transcender le genre et proposer plus que son sujet et son point de vue. Alors on se contentera des quelques scènes efficaces que le film propose ou du panel de comédiens de second plan qui peuplent le film et lui donnent beaucoup de cachet : en particulier Brian Dennehy (Presumed Innocent, Cocoon, Rambo), qui se fait malheureusement trop absent ces derniers temps dans les films américains, malgré une carrière prolifique à la télévision.

Les Dents de la mer (réal. Steven Spielberg, 1975)

Après avoir lu le livre d’analyse d’Antonia Quirke aux éditions du British Film Institute, je me devais de revoir le film de Spielberg, que je n’avais pas revu depuis le début des années 2000 (date de sortie du DVD édition collector pour les 25 ans du film). Je dois avouer que je suis toujours sous le charme et l’emprise de cette expérience particulière qu’est le fait de regarder Jaws, même quand on le connaît par cœur. Je commencerais par faire une parenthèse sur le livre évoqué ci-dessus. L’analyse est souvent intéressante et ne fait pas la fine bouche sur les anecdotes de production qui permettent souvent d’approfondir un sujet. Je lui reproche cependant une construction qui suit la chronologie du film et empêche ainsi à mon sens de véritablement s’attaquer à des thématiques transversales du film particulièrement fortes et de regrouper les remarques de l’auteur dessus dans un même espace de discours, qui donnerait plus de force à son analyse. Cela étant, sa lecture reste intéressante et sans m’avoir vraiment fait découvrir de nouvelles lectures possibles du film de Spielberg, elle m’a néanmoins permis d’en fouiller quelques unes que je n’avais fait qu’approcher auparavant.
Le film reste toujours aussi efficace et le choix de montrer si peu le requin, avant la toute fin du film, lui a permis de bien vieillir, même après plus de trente ans (il y a un autre film dont on pourrait dire la même chose, c’est Alien de Ridley Scott). Jaws comporte beaucoup de scènes iconiques et Spielberg, malgré (ou à cause de ?) sa jeunesse, y montre, sans maniérisme, son talent en devenir : tant sur sa capacité à mettre en scène de manière efficace son sujet, qu’à écrire une histoire qui sait vous accrocher (il ne faut pas oublier que bien que le film soit adapté d’un roman de Peter Benchley, Spielberg ne l’aimait pas du tout et a considérablement modifié le scénario avec l’aide de Carl Gottlieb). On pourrait citer la séquence d’ouverture, scène de viol détourné, où, l’acte sexuel annoncé entre la jeune fille et le jeune homme sur la plage n’ayant plus lieu, il faut que la tension sexuelle de la scène soit résolue coûte que coûte. La mort de Chrissie ressemble donc plus à un viol (les cris, le fait qu’elle se baigne nue, son incapacité à surmonter son « agresseur ») qu’à un meurtre. D’ailleurs, il faudra attendre la séquence suivante pour que le meurtre soit achevé, lorsque Brody (superbe Roy Scheider qui semble venir tout droit de French Connection, puisqu’il incarne un flic new yorkais qui a quitté la « grande ville » pour le calme du littoral), son adjoint et le jeune homme découvrent les restes du corps. Autre scène iconique du film très importante, celle de la plage avec la mort du fils Kintner. D’abord, la tension de Brody est palpable à chaque plan et chaque contre-champ viendra la désamorcer (le vieux avec son bonnet qui nage la tête sous l’eau, la fille qui crie parce que son copain la chatouille sous l’eau, etc.), avec une caméra qui avance par à coups vers le visage de Brody, le changement de plan (et donc de cadre) se faisant toujours en profitant d’un « obstacle visuel » entre le spectateur et Brody. Et puis finalement, quand il est trop tard et que l’attaque a bien lieu, alors non seulement Spielberg fait son travelling avant vers Scheider, sans aucune interruption, mais en plus il le couple avec un zoom optique arrière, pour faire ce que l’on appelle un travelling compensé (parfois plus connu sous le nom de « effet Vertigo », puisque c’est un effet visuel que Hitchcock avait démocratisé dans son film lors des scènes de vertiges dans le clocher). C’est à croire que Spielberg veut nous dire que la compréhension par Brody de l’acte violent, infligé à l’homme par la nature (l’attaque du requin), ne peut être contraint par aucun obstacle et qu’il doit en prendre toute la pleine mesure en ne pouvant y soustraire son regard. La question fondamentale de la monstration de la violence et de son aboutissement, la mort, passe par ce regard et ce plan : ils interdisent tout dérèglement de la vision des personnages face à la mort brutale et profondément primale que le squale offre à ses victimes.
On retrouvera la même idée plus loin dans le film, lorsqu’un des fils de Brody assiste impuissant à la mort d’un homme tombé d’un bateau près de lui et alors que le requin regagne le large (on le devine, avec son « butin » dans sa mâchoire). La mort qu’offre le requin à ses victimes est une mort fascinante en ce sens, que le lieu par où l’on meurt (les mâchoires du requin) est également le lieu où l’on va se perdre corps et âme (le néant de l’estomac du requin que l’on aperçoit derrière ses dents). Spielberg retravaille ce motif à la fin du film, avec la mort de Quint, lorsque pour un bref instant, ce dernier peut regarder droit dans les yeux le gouffre infernal qui n’attend plus que lui pour boucler la boucle : le ramener à ses camarades du Pacifique, morts dévorés par des squales en attendant les secours dans l’eau.
Pour finir, si ce film m’a traumatisé et m’empêche encore aujourd’hui de me baigner en mer sans penser qu’un grand blanc pourrait venir me dévorer depuis les abysses, j’avoue que j’ai toujours été surpris et séduit par son côté très enjoué dans certaines scènes. Spielberg manie habilement la vie en carton pâte d’Amity : les couleurs chatoyantes des maisons et de l’herbe verte aux alentours, le bleu du ciel et le soleil radieux qui tombent sur les corps huilés, prêts à se plonger dans la mer fraiche après s’être prélassés sur le sable chaud. Il y aussi le caractère très espiègle du personnage interprété par Richard Dreyfuss, mais qui sait rester sérieux car il sait que bientôt la fête sera finie. Cet endroit idyllique n’attend plus qu’une chose : un grain de sable de plusieurs mètres et de quelques tonnes pour venir tout mettre sens dessus dessous. La mer n’est plus synonyme de vacances et de fête, mais de sang et de démembrements. Le panneau publicitaire prometteur devient un mauvais gag, qui fait plus froid dans le dos qu’il ne fait sourire. La foule joyeuse se transforme en troupeau paniqué et sans scrupule, que plus rien n’arrête, ni un vieillard qui tombe, ni même un enfant en pleurs. Spielberg joue si bien avec nos angoisses de la transformation malsaine de nos icones de vacances, que lorsque la femme de Brody répond à son mari, qui lui a dit de rentrer à la maison, « celle de New York », nous, spectateurs, sommes déjà dans le train en direction de la Big Apple. À ce moment là, le film change de registre, on passe d’un film basé sur la peur et la tension, où le « non-vu » de la menace est plus important que la menace elle-même, à un film basé sur l’action, où cette menace va prendre réellement corps (et pour cause elle est pleinement dans son élément) et pouvoir ainsi occuper tout l’espace filmique. Rares sont les films qui réussissent à changer de dynamique en leur sein et le cinéaste de Duel revient, à la fin de Jaws, à ses premiers amours. En cela, il prouvait là aussi, qu’il était capable de bien plus qu’il n’y paraissait et tout le « plaisir » (il y en a toujours un peu lorsque l’on regarde un film pour se faire peur) serait pour nous, avec la suite de sa carrière…

Jeudi 1er mars

Zodiac (réal. David Fincher, 2007)

Film étonnant dans la filmographie de Fincher, Zodiac amorçait en fait le virage que sa carrière allait prendre par la suite avec The Curious Case of Benjamin Button, The Social Network et The Girl with the Dragon Tattoo (même si ce dernier ramène Fincher à certains de ses premiers amours). Polar déstructuré, sans véritable suspense, loin de l’oppressante atmosphère de Seven, du twist final de Fight Club, du jeu narratif méthodique de The Game ou du maniérisme outrancier de Panic Room, Zodiac est d’abord un film historique (comme le sera tout autant The Curious Case…). En utilisant le fait divers du tueur au « zodiac », qui sévit dans les années 70 dans la région de San Francisco, Fincher invite le spectateur à replonger dans l’ambiance particulière des seventies et à comprendre l’Amérique de cette époque-là. La reconstitution est exemplaire, tant dans les costumes et les décors que dans les relations entre les personnages et la justesse des dialogues. Elle l’est également dans la démonstration d’un média, la presse d’information grand public, confrontée à la démence d’un homme isolé et malsain. La réponse de ce média, bizarrement, ne sera pas à la hauteur de ce qui se passera quelques années plus tard à l’autre bout du pays : l’attitude du Washington Post et de deux de ses journalistes, face à un autre homme malsain, mais ô combien plus « célèbre ». Difficile en effet de ne pas penser, quand on regarde Zodiac, au film de Pakula, Les Hommes du Président. Si leurs sujets respectifs sont tous les deux authentiques, si la force derrière l’esprit d’investigation est de nature journalistique chez tous deux, la réalité de leur résolution empêche les films de pouvoir se ressembler sur la forme. Le film de Pakula est un film clair dont la ligne sombre se joue dans les parkings, les sous-sols ou sous le porche des maisons de gens que l’on vient interviewer le soir, mais dont la clarté de la salle de rédaction du Post et le dynamisme des échanges entre Bernstein et Woodward, rangent le film dans une note positive, au même titre que sa conclusion. Alors que chez Fincher, le sombre est quasiment le quotidien des personnages du film, qu’il s’agissent de leurs bureaux, de leurs lieux de vie, des heures où ils enquêtent. L’obsession de Graysmith (génial Jake Gyllenhaal) et son enfermement progressif est la face cachée de cette Amérique des années 70, qui bien que grandie par les exploits d’un Woodward ou d’un Bernstein, est l’orpheline des Kennedy, King et autre Malcolm X. Si la violence des meurtres en question a profondément marqué la société américaine (et plus particulièrement celui de J.F.K., comme l’a démontré Jean-Baptiste Thoret dans son excellent ouvrage 26 secondes L’Amérique éclaboussée) et a pu rester impunie, alors que dire et comment comprendre celle d’un homme comme le zodiac. Il échappera à la justice et à l’enquête, après avoir nargué l’opinion publique, alors que d’après le film (et le livre dont il est tiré) tout était presque là pour l’arrêter. Il n’aurait manqué que quelques preuves circonstanciées mais nécessaires pour véritablement le confronter. Le film est donc particulièrement sombre, violent dans son absence de résolution possible des angoisses qu’il génère et désespérant dans ce qu’il apprend de la nature humaine. Cependant il est étrangement fascinant, comme la première énigme du zodiac fascine le caricaturiste Graysmith.
Premier film de Fincher tourné en numérique (essentiellement sur Viper), la photo majestueuse, toute en finesse sur les tonalités de gris et les clairs obscurs, vient parfaitement appuyer son propos. La réalisation n’est pas en reste, même si comme on l’a dit plus tôt, elle est bien moins esthétisante et tape-à-l’œil qu’elle ne l’était dans les précédents films du cinéaste. Elle reste efficace, jamais hors de propos et quelques scènes sont particulièrement réussies (celle de la maison du projectionniste bien sûr, mais aussi toutes celles des meurtres du zodiac). Fincher nous livre ici un grand film policier historique, au casting très alléchant (Jake Gyllenhaal, Robert Downey Jr., Elias Koteas, Dermot Mulroney, Mark Ruffalo, Chloë Sevigny et j’en passe…).

Vendredi 2 mars

Chronicle (réal. Josh Trank, 2012)

Et un film-footage de plus ! Dernier gimmick filmique des années 2000 (même si le concept avait été utilisé bien avant), le film-footage place le spectateur devant le postulat de départ suivant : les images que nous voyons sont des images enregistrées par des protagonistes (principaux ou secondaires) de l’intrigue, que le film dévoile devant nos yeux. Cela suppose que le récit justifie que le spectateur ait accès à ces images. Il n’en est pas question dans Chronicle : la première caméra est détruite et enterrée donc quid de cet accès ? Et enfin l’accès aux images de la fin du film dans Seattle, prélevées sur différentes sources (images de tv de surveillance, d’hélicoptères de la police, etc.) n’est nullement justifié, pire : certains des derniers plans de cette séquence ne sont même pas validés par la possible présence de « témoins » pour les enregistrer (du moins le film n’est-il pas très clair pour ceux-là). Cette petite entorse au genre est d’autant plus remarquable que le film, portant sur des super-héros en devenir capables de télékinésie, permet à un moment donné aux protagonistes de ne plus tenir la caméra qui les filme et de faire flotter celle-ci. Astucieux stratagème scénaristique qui libère ainsi la mise en scène du film des contraintes habituelles du film footage, soit une caméra-épaule brinquebalante, à hauteur de regard et toujours située au centre de l’action et ne permettant que rarement d’en sortir. La libérer ainsi est peut-être la seule vraie idée de réalisation du film. Autre sujet donc de ce film, la figure du super-héros. Là encore, il n’y a rien de vraiment neuf sous le soleil, et même si le film remplit bien son contrat, reste intéressant et entraînant, il ne fait pas preuve d’une grande originalité ou à défaut d’une grande profondeur de traitement. On aura vite compris que le personnage présenté comme censément le héros deviendra finalement tout à fait autre chose. Mais là où Shyamalan, dans Incassable, montrait avec justesse la naissance d’un super-héros et de sa Némésis obligatoire, un « super-villain », Chronicle ne se sort pas d’une psychologie basique de l’adolescent contrarié. Dommage qu’on en arrive à tout ça pour ça…

Dimanche 4 mars

Le Prêtre et la Jeune Femme (réal. Joaquim Pedro de Andrade, 1965)

Premier long métrage de fiction du cinéaste Joaquim Pedro de Andrade, l’un des représentants du Cinema Novo, nouvelle vague brésilienne datant des années 60, Le Prêtre et la Jeune Femme est un film surprenant à plus d’un titre. Je dois avouer que je ne connais que très peu tout ce cinéma (n’ayant vu que quelques extraits des films de Glauber Rocha lors de cours à l’Université), mais cette première véritable rencontre m’a beaucoup impressionné. D’abord par le lyrisme innocent mais très prenant du film, qui parle d’amour terrestre passionné et délivre en sous-main une critique non dissimulée de la religion catholique, du pêché et de l’emprise de ces concepts sur les populations isolées de cette partie du Minas Gerais, région alors abandonnée du Brésil. La jeune femme, sorte d’Eve tentatrice, couchant avec tous les hommes ayant un peu de pouvoir dans le village (le vicaire, son éducateur et mentor Honorato, le pharmacien et plus tard le nouveau curé), vient corrompre puis faire éclater le tissu social déjà sclérosé du petit village qui l’abrite. On sent que l’influence d’un Buñuel n’est pas très loin sur la manière de dépeindre certaines réalités sociales, en exaspérant leurs manifestations visuelles. On est fasciné par la peinture donnée des hommes du village, dont le labeur n’est plus que le fantôme de la réputation passée des mines alentours, en attente quotidienne de l’apparition de la jeune femme, seul rescapée de la vieillesse ou de la malformation, stigmates visuelles de l’abandon du pays et dont témoignent tous les autres personnages féminins du film. Le prêtre n’échappera pas à l’envoûtement de cette « succube », mais ce qui est intéressant, c’est qu’une fois la décision prise de la sortir de cet enfer, qu’elle a elle-même certainement créé (on voit bien lors de la scène avec le pharmacien qu’elle est très volontaire dans l’acte « d’adultère », bien plus qu’il ne l’est), la vision que le film offre d’elle est tout autre. Elle est bien plus pure et innocente qu’il n’y paraissait et c’est certainement pour cela que le curé ne pourra résister à ses charmes. La tension sexuelle qui parcourt tout le film est ici enfin réalisée, dans ces plans fugaces de morceaux de corps dénudés, tout en retenue que le film propose comme vision de l’acte charnel. Cependant, l’acte maudit dont les protagonistes viennent de se faire l’instrument, la profanation du corps sacerdotal, a eu un témoin extérieur (le pharmacien) qui s’en fera l’écho auprès du village et qualifiera leur amour de béni, sacré mais aussi qu’elle le diable, un diable sacré. Perdu dans le paysage désertique environnant, les deux personnages finiront par revenir au lieu qu’ils cherchaient à fuir, pour y être confronté à leur destin. Si leur errance dans les montagnes désolées du Minas Gerais est comme un parcours dans les limbes, c’est l’Enfer qui les attend au bout de leur chemin. Cherchant une dernière fois à échapper au courroux des villageois, les amoureux finiront par se réfugier dans une ancienne grotte abandonnée près du village et ils finiront par y mourir, asphyxiés par de la fumée. Le cinéaste finit d’ailleurs le film sur un plan plus qu’explicite où la caméra se trouvant dans la grotte nous montre l’entrée de celle-ci et en arrière plan les villageois observant les flammes de grands feux qu’ils ont allumés entre elle et eux et qui viennent progressivement remplir l’image.
Aidée par une restauration exemplaire et servie par une photo en noir et blanc, dont le jeu est basé sur des contrastes forts entre ombres profondément noires et lumière très blanche (reflet sur la chaux des bâtiments), la mise en scène est parfaitement au diapason de son sujet. Elle sait suivre avec érotisme les déplacements de la jeune femme dans le village et ses gestes sur le corps des hommes. Elle sait aussi alterner les gros plans mettant en avant les interrogations multiples des protagonistes et de très beaux plans larges montrant l’immensité qui englobe la communauté humaine du film et la perd. La réalisation sait aussi par moments travailler le jeu du cadre : le rapport entre les corps au sein de ce cadre rappelle une danse effrénée et une course contre la mort annoncée (magnifique scène vers la fin où le curé tente désespérément de repousser les vieilles femmes qui l’assaillent lui et la jeune femme). Superbe découverte qu’est ce premier film de Joaquim Pedro de Andrade et je compte bien ne pas m’arrêter en si bon chemin, donc il est très probable que dans les semaines à venir, vous entendiez encore parler de Cinema Novo…

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