"Not a Pax Americana" – réflexions cinéphiles…

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Posts Tagged ‘Liam Neeson’

Une semaine de films – du 2 au 8 juillet 2012

Posted by Axel de Velp sur 16 juillet 2012

Je vous propose, à l’occasion, un récapitulatif des films que j’ai visionnés sur une semaine et de vous en donner une lecture, à la fois critique, partiale et plus ou moins succincte, selon ce que les films m’inspireront au fil de l’écriture de ces billets, que je souhaite les plus spontanés possible. J’espère parfois vous donner envie ou vous dégoûter, selon chacun, chacune et chaque film…
Dans la mesure du possible, je m’abstiendrais de dévoiler trop des films, sauf quand j’estimerai qu’ils font partie du patrimoine cinéphilique obligatoire (j’exagère bien entendu), ou bien lorsque mon propos ne pourrait se passer, pour être limpide, d’explications précises, ou bien aussi lorsque je n’aurai que trop peu d’estime pour le film en question.

Semaine peu riche, mais avec une belle surprise pour démarrer, car je n’aurai pas cru que le Tintin de Spielberg me séduirait autant. Le reste est inégal et peu profond, mais néanmoins divertissant, avec à chaque fois des raisons différentes !

Jeudi 5 juillet

Les Aventures de Tintin : le secret de la Licorne (réal. Steven Spielberg, 2011)

Après avoir vu ce Tintin « nouvelle sauce » sur mon écran HD, je regrette vivement de ne pas avoir pris le temps d’aller le voir en salles (en 3D pourquoi pas ?). Évacuons la question de l’adaptation (qui me semble être un faux problème comme souvent avec cet exercice) : je la trouve très correcte dans son respect global d’un univers, bien évidemment avec des choix de rythme et d’action qui, eux, sont quelque peu éloignés de l’univers originel d’Hergé, mais comment ne pas comprendre ces choix là. Les précédentes adaptations « cinématographiques » du petit reporter belge avaient cruellement fait sentir la rythmique toute particulière de la bande dessinée d’origine et la volonté de proposer quelque chose de plus moderne est un choix qui me semble cohérent dans une volonté à la fois de respect de l’œuvre, de son esprit mais aussi d’un jeune public différent de celui qui découvrait en son temps les aventures de Tintin lors de leurs parutions. Le film, même s’il ne colle pas exactement au récit du volume dont il s’inspire (nommément, Le Secret de la Licorne), en propose une relecture agréable et divertissante, remplie à foison de clins d’œil divers et variés à la saga d’Hergé. Pour mieux apprécier le travail des comédiens, dont il ne faut pas oublier que leur performance est présente à l’écran par la technologie, ici superbement démontrée, de la motion capture, j’ai choisi de regarder le film en VO. Si j’ai apprécié donc de pouvoir retrouver via leurs voix toute l’étendue du travail d’acteurs donné par Jamie Bell, Andy Serkis (excellent) ou encore Daniel Craig (excellent également), je dois quand même avouer que cela m’a fait bizarre d’entendre Milou se faire appeler Snowy ou bien de ne pas vraiment reconnaître les jurons et injures réputés du Capitaine Haddock. Maintenant venons au plus important du film selon moi : la réalisation. Spielberg et Jackson démontrent ici toute l’étendue de leur talent de metteur en scène. Plusieurs séquences sont de véritables scènes d’anthologie : l’évasion du bateau, la course poursuite dans la ville orientale, la bataille navale avec les pirates, mais parfois aussi quelques scènes simples et sans action : à chaque fois l’inventivité de la caméra dans l’univers en image de synthèses n’a rien à envier à un Zemeckis ou un Fincher…

Vendredi 6 juillet

Death Race (réal. Paul W. S. Anderson, 2008)

Au risque de me mettre à dos un certain nombre de mes lecteurs (mais un blog de critique entraîne aussi cela), je me vois contraint de dire d’emblée que je considère Paul W. S. Anderson comme un très bon « faiseur ». Réalisateur de films efficaces et plutôt réussis à mon goût dans leur genre (Resident Evil, Alien vs. Predator, Resident Evil : Afterlife), il est même le réalisateur d’un vrai chef d’oeuvre contemporain du cinéma de science-fiction et d’horreur : Event Horizon. Avec Death Race, Anderson signe un film d’action mené tambour battant, sans faute de rythme, porté par l’un des acteurs-stars du genre, Jason Statham. Alors si le film est un remake du Death Race 2000 produit par Corman et réalisé par  Paul Bartel en 1975 (avec Stallone dans le rôle titre), la nouvelle mouture est incontestablement plus réussie que l’original. Le scénario n’est pas particulièrement recherché mais la simplicité de sa structure permet au film de s’attarder sur ce qui fait tout son sel et son intérêt : la réalisation. Inventive, nerveuse, jamais classique, la mise en scène porte le film du début à la fin. Entre les scènes d’ouverture, dont le travail de la photo est d’excellente qualité, et les scènes de course en voitures, Anderson nous montre à quel point il maitrise son sujet. Le montage et les effets sonores sont redoutables tant ils accompagnent à la perfection le film et sa violence graphique très explicite. Pour parachever le tout, le casting est assez réussi et les gueules des comédiens secondaires sont raccord avec le sujet et son ambiance. En bref, un film de genre très réussi et que je conseille vivement, avec la réserve qu’il s’agit bien évidemment d’un film qui ne se prend pas plus que cela au sérieux et dont les ambitions se limitent à ce que ce type de film a à offrir.

Samedi 7 juillet

Star Wars Épisode I : la menace fantôme (réal. Georges Lucas, 1999)

Je n’avais pas revu le film depuis sa sortie, il y a une douzaine d’années et décidément, Georges Lucas aura réussi à me décevoir encore et encore… Passons d’abord sur le syndrôme « Star Wars prequel » qui veut que la technologie de l’époque de la trilogie des années 2000 soit plus avancée que celle des années 80, alors qu’elle se déroule plusieurs décennies avant. Si l’on comprend bien que les avancées techniques en termes d’images de synthèse sont telles que des différences évidentes allaient se faire jour, il aurait fallu faire des choix esthétiques qui auraient travaillé dans le sens inverse (à l’instar de Prometheus et de son vaisseau, en rapport avec le premier Alien). Or justement Lucas ne va pas du tout faire ce choix là, bien au contraire. L’esthétique de cette prequel est particulièrement aseptisée et beaucoup trop technologique et colorée par rapport à la trilogie originelle. Ensuite, l’écriture est ampoulée, et le choix évidemment suspect du personnage de Jar Jar Binks est une grossière erreur de « casting » ; même ma fille de 7 ans le trouvait énervant. Au final, le film se traîne et l’on peut sentir le désir de la production d’en tirer un maximum de produits dérivés dans la succession de scènes que le film propose. Heureusement, les deux épisodes qui suivront seront bien plus réussis que cette médiocre mise en bouche de l’une des sagas les plus célèbres de l’Histoire du cinéma.

Dimanche 8 juillet

L’Âge de glace 4 : la dérive des continents (réal. Steve Martino & Mike Thurmeier, 2012)

Dans mon esprit j’ai toujours opposé pour je ne sais quelle raison deux séries d’animation récentes, Ice Age et Madagascar. Comme la première est un poil plus ancienne que la seconde (ce qui explique le décalage du nombre d’épisodes), elle souffrait au départ d’une réalisation un brin moins aboutie et plus « grossière ». Malheureusement, c’est encore le cas aujourd’hui et, à l’exception peut-être de gros efforts sur le n°3, les détails au niveau du background ou de l’esthétique des personnages ont toujours été un cran au-dessous de la série de Dreamworks, qui elle au contraire a toujours été, à mon goût, moins fine et moins élaborée, en termes d’écriture que la série de la Fox (toute proportion gardée bien entendu, car on ne peut pas dire que ces séries d’animation brillent par l’intelligence ou la profondeur de leur scénario). Ainsi, je me délectais plus facilement de l’histoire des Ice Age, mais ce 4ème épisode aura eu raison de cet état de fait. Je ne boude pas mon plaisir non plus, j’ai bien rigolé devant ce film et quelques séquences (en particulier celles avec Scrat) certains ou personnages (surtout celui de la Mémé) m’ont beaucoup fait rire, mais je trouve que le film manque de souffle et de la folie qui avait fait du troisième opus un film très réussi. Reste une bonne partie de rigolade, plus sympathique que Madagascar 3, moins bien réalisée peut-être (et c’est dommage) mais quand même plus divertissante.

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Une semaine de films – du 5 au 11 mars 2012

Posted by Axel de Velp sur 12 mars 2012

Je vous propose, à l’occasion, un récapitulatif des films que j’ai visionnés sur une semaine et de vous en donner une lecture, à la fois critique, partiale et plus ou moins succincte, selon ce que les films m’inspireront au fil de l’écriture de ces billets, que je souhaite les plus spontanés possible. J’espère parfois vous donner envie ou vous dégoûter, selon chacun, chacune et chaque film…
Dans la mesure du possible, je m’abstiendrais de dévoiler trop des films, sauf quand j’estimerai qu’ils font partie du patrimoine cinéphilique obligatoire (j’exagère bien entendu), ou bien lorsque mon propos ne pourrait se passer, pour être limpide, d’explications précises, ou bien aussi lorsque je n’aurai que trop peu d’estime pour le film en question.

Lundi 5 mars

Sweeney Todd (réal. Tim Burton, 2007)

Disons le franchement depuis Mars Attacks et Sleepy Hollow, Burton n’avait pas cessé de me décevoir. Son dernier film, Alice, confirmait avec fracas cette perte de vitesse d’un cinéaste qui ne fait que ressasser ses thématiques habituelles sans leur donner un nouveau souffle ou une nouvelle envergure. On est loin du renouvellement stupéfiant d’un Cronenberg, ou même la recherche active d’un Eastwood ou d’un Scorsese (au risque de quelques écueils). Burton fait du Burton, ne se renouvelle pas et arrive, en plus, à faire moins bien qu’avant, en gros à se parodier lui-même. C’est dans cet état d’esprit que j’avais accueilli la sortie de Sweeney Todd et j’avais donc écarté le film, à la fois par fainéantise de devoir remettre sur le couvert une recette que j’imaginais connaître d’avance, mais aussi par tristesse de constater une fois de plus le déclin de ce cinéaste dont les premiers films restent encore très chers à mon cœur. Soyons franc, je me suis trompé pour ce film. L’adaptation de l’œuvre de Stephen Sondheim et Hugh Wheeler est un film particulièrement riche, prenant et réussi. Alors comment se fait-il que Burton arrive à nous donner un film aussi abouti alors que ceux qui l’entourent ne sont qu’une pâle imitation de ses précédents succès ? La réponse est dans la question. Sweeney Todd n’est pas une imitation d’un motif précédent. Bien sûr, le film travaille des figures esthétiques et narratives proches du cinéaste, mais l’enrobage de tout cela, le sujet, le traitement (un musical), viennent d’ailleurs. Sondheim est un des auteurs de musical les plus réputés aux Etats-Unis et la pièce éponyme du film, l’une de ses œuvres les plus célèbres. Burton a su choisir un sujet qui lui correspondait, une adaptation à sa mesure et ce choix de Sweeney Todd, il l’avait déjà fait depuis la fin des années 80, mais il n’avait jamais pu le concrétiser jusqu’alors. Alors la richesse du scénario, la profondeur des personnages, la beauté des dialogues, le potentiel du background, tout cela vient du musical, pas de Burton. Mais il est indéniable qu’en se laissant structurer et guider par une source extérieure à son imaginaire propre (mais en relation étroite avec lui), le cinéaste a su retrouver sa force et sa verve d’antan. Le travail sur les costumes, les décors, la photo, montre une réelle implication de la part du réalisateur de s’emparer de son sujet, de le faire sien. Son choix d’accentuer le côté gore de la pièce prouve également qu’il a su se poser les bonnes questions liées à l’adaptation et des forces respectives de la scène et de l’écran. Le choix de Burton de se concentrer sur le duo Depp-Carter (et de reléguer au second plan la romance entre la fille de Todd et le jeune homme) est payant car il concentre ainsi les enjeux dramatiques de la pièce et lui donne l’occasion de travailler plus en profondeur les espaces et les thèmes abordés par ce duo. La mise en scène n’est pas oubliée : elle est inspirée et le dynamisme des mouvements de caméra, en particulier dans l’atelier de Sweeney, épouse avec force et douceur (selon les situations) l’esprit de revanche ou de mélancolie, qui baignent les chansons et le jeu des comédiens. Là aussi, Johnny Depp et Helena Bonham Carter trouve un registre familier mais néanmoins suffisamment différent pour y renouveler leur art. Depp est à cent lieux de l’interprétation excessivement bouffonne et outrancière du Chapelier Fou dans Alice, nous rappelant qu’il est certainement l’un des plus grands acteur américains en exercice actuellement, tant il est capable de transformations et de prouesses diverses et variées.

Mardi 6 mars

Jeu d’espion (réal. David WU Dai-Wai, 1990)

Comédie déjantée de Hong Kong, produite par Tsui Hark, Jeu d’espion est une vraie partie de plaisir, du moment qu’on ne pense pas un instant à prendre le film au sérieux. Mélangeant comédie romantique et film d’espionnage, avec une pincée d’exotisme (une japonaise perdue dans Hong Kong), le film multiplie les scènes comiques avec un rythme effréné, sans pour autant négliger la mièvrerie si caractéristique des comédies HK de cette époque-là. Alors, à condition de prendre le recul nécessaire, on s’amuse vraiment devant ce film : la scène de la chanson « Happy Birthday Sweet Sixteen » est certainement l’une des plus réussies. La réalisation fait l’affaire, sans plus malheureusement, et l’on est bien obligé de remarquer que les productions Tsui Hark ont été plus inspirées. David WU est bien meilleur monteur (la trilogie Syndicat du Crime, Une balle dans la tête, A toute épreuve, Le Pacte des loups, pour ne citer qu’eux…) qu’il n’est réalisateur. Cependant, il ne faut pas oublier que sur les films de cette époque, sortant de la société Film Workshop, Tsui Hark n’était jamais bien loin de diriger lui-même les opérations, la déception n’en est donc que plus grande !

Mercredi 7 mars

Le Silence des agneaux (réal. Jonathan Demme, 1990)

Avec Manhunter de Michael Mann, Le Silence des agneaux reste certainement l’une des meilleures adaptations de l’œuvre de Thomas Harris. Condensé très réussi en deux heures du livre original, le film a offert à Hopkins le rôle qui allait relancer sa carrière. Même si le film a quelque peu vieilli (en particulier les scènes qui se déroulent à Quantico, siège du FBI), il reste toujours aussi efficace en termes d’ambiances et d’angoisses. Portée par la musique envoutante de Howard Shore, la mise en scène de Demme est d’un grand classicisme et c’est sûrement de là que le film tire l’une de ses forces. Exploitant à outrance le jeu du cadre et des regards dans l’exercice du champ/contre-champ, Demme prend soin de placer quasi systématiquement sa caméra à hauteur de regard d’un côté et en légère plongée de l’autre, pour jouer sur les rapports de pouvoir entre les différents protagonistes : ce sera le cas dans la scène où Clarice et Crawford viennent examiner le corps et où elle se retrouve toute seule entourée de tous les policiers – sur eux, la caméra est de face, sur elle en plongée, car elle est en position de « faiblesse » à ce moment-là de la séquence. À l’inverse, quelques minutes plus tard, alors que le souvenir de l’enterrement de son père l’a certainement perturbé mais aussi ramené à la réalité des policiers de « campagne », lorsqu’elle leur demande de quitter la pièce, où va se dérouler l’autopsie, la caméra est face sur elle, mais en plongée sur eux, car là c’est elle qui a l’ascendant, car elle a su leur demander avec les mots qu’il faut (même si un silence court traduit quand même leur étonnement face à ce « petit bout de femme » qui leur donne l’ordre de sortir). Il en va de même dans tous les face-à-face entre Clarice et Lecter, où cette figure particulière du jeu de champ/contre-champ obéit inlassablement à l’idée de véhiculer qui a l’ascendant sur qui. Il est évident que Lecter est le gagnant le plus souvent. Mais encore plus inhabituelle dans une construction classique de la mise en scène, c’est l’usage, dans la figure du champ/contrechamp, du regard caméra. Plusieurs regards dans le film, non seulement sont tournés à hauteur de regard (ce qui a toujours pour effet d’impliquer le spectateur plus efficacement dans l’action), mais encore Demme demande à ses comédiens de regarder directement la caméra. Parce que le réalisateur a l’intelligence de ne l’utiliser qu’avec parcimonie et uniquement dans le flot d’une conversation, le spectateur ne prend pas cette image comme s’adressant directement à lui (problème évident du regard caméra), mais néanmoins l’effet de son adresse immédiate à l’encontre du public ne peut que trouver écho chez celui-ci (l’impliquant malgré lui).
Le film ne s’appuie pas seulement sur une mise en scène classique mais efficace, Demme joue également beaucoup sur le montage. Sa manière de mêler les flash-backs au récit, sans coupure diégétique, est dans la continuité de son traitement du champ/contre-champ. Les flashbacks de Clarice ne sont que les contre-champs de son regard, non pas tourné vers autre chose (le ciel, un funérarium), mais finalement tourné vers elle-même, vers les souvenirs que l’objet de son regard rappelle à la mémoire et donne au spectateur à contempler, comme si cette fois-ci le public regarde directement dans le comédien, comme le comédien regarde parfois directement le public dans certains plans. Toujours sur le montage, Demme propose d’ailleurs un jeu sur l’un des effets de montage les plus connus dans les films à suspense : la confusion entre montage alterné et montage parallèle. Comme je l’ai évoqué dans mon précédent post (autour du film The Next Three Days) cela suppose de montrer au spectateur une séquence en montage supposément alterné (deux événements distincts se déroulent simultanément dans des espaces qui peuvent être assez proches ou similaires : l’intérieur d’une maison et une maison encerclée par le FBI, dans le cas présent), pour finir par relâcher la tension en nous faisant comprendre que nous n’étions finalement que devant un montage parallèle (deux événements distincts qui n’ont pas le même espace de résolution : d’un côté la maison de Buffalo Bill avec Clarice à la porte et de l’autre la maison vide attaquée par le FBI). Mais si d’ordinaire, la résolution de cette confusion tend à faire redescendre la tension de la scène, puisque l’on finit par comprendre que chaque espace ne possède pas les mêmes enjeux et qu’il n’y a donc pas de « clash » possible entre eux, son usage dans le film sert un autre but. Dans le cas du Silence des agneaux, la tension à l’issue de la confusion ne redescend pas, au contraire elle explose. Car le spectateur grâce à cette issue comprend avant Clarice, qu’elle va devoir affronter seule le serial killer. On l’aura compris, la notion de regard (qui voit quoi ? comment ? quand ? pourquoi ?) est fondamentale dans le film de Demme et posée comme question préludant à tout enjeu esthétique et narratif du film (c’est parce qu’ils ont mal « regardé » le policier blessé, que les flics chargés de la sécurité de Lecter le laisse s’échapper). Pas étonnant lorsque l’on fait un film sur un serial killer dont la mécanique psychologique repose sur la convoitise : car l’on ne peut convoiter que ce que l’on a sous les yeux, comme le dit très justement Lecter. Il aura d’ailleurs tout loisir de convoiter le Dr. Chilton pendant le très long générique de fin, où l’image ne cesse d’être diffusée sous les crédits qui défilent. Comme si Jonathan Demme invitait le spectateur lui-aussi à être le sujet d’une telle convoitise (et bien entendu le questionner sur l’autre versant de la question du regard comme enjeu esthétique, la position du voyeur, mais ça c’est une autre histoire)…

Jeudi 8 mars

Nomads (réal. John McTiernan, 1986)

Depuis longtemps, je suis un fan de John McTiernan. Réalisateur maudit depuis quelques années (et dont l’équilibre psychologique est aujourd’hui plus qu’instable), McTiernan nous a quand même donné quelques uns des meilleurs films d’action des années 80 et 90 : À la poursuite d’Octobre Rouge, Predator, Piège de cristal, Une journée en enfer, Last Action Hero. Pendant très longtemps, j’ai su que son premier film était un film fantastique avec Pierce Brosnan. Au-delà de ça rien. J’ai donc pu enfin voir cette première œuvre et on ne peut pas dire que le résultat fut à la hauteur de mes années d’attente. Nomads, c’est le film typique des années 80 qui a mal vieilli. Même si certains défauts sont imputables à un budget plutôt restreint, il est difficile de fermer les yeux sur un scénario défaillant, dont la seconde partie vire au fantastique abracadabrant, et dont on peine à sentir le côté terrifiant mis en avant par l’affiche et la bande-annonce de l’époque. La mise en scène est aussi très peu inspirée (ralentis peu convaincant, scènes de poursuite gauche et brouillonne), ce qui est beaucoup plus étonnant quand on verra la suite de la carrière de McTiernan. Mais le pire c’est encore le casting qui fait le choix d’un Brosnan jouant un français de souche avec un accent à couper au couteau.

La Question (réal. Laurent Heynemann, 1977)

Adapté du livre de Henri Alleg paru en 1958, La Question revient donc sur l’arrestation de Henri Alleg et Maurice Audin (bien que les noms aient été changés dans le film) par les paras à Alger en 1957. Soumis à la torture, Alleg ne parlera pas et sera plus chanceux qu’Audin qui finira par mourir, ce que l’Armée française continue encore aujourd’hui de démentir : il se serait « évadé », pour ne plus jamais être retrouvé ou avoir donné de signe de vie… Le film d’Heynemann revient avec justesse sur cet épisode noir de l’histoire récente de la France. Il traite, sans concession pour l’époque, les scènes de torture, mais s’attarde aussi, dans un prologue nécessaire, sur l’ambiance d’Alger avant l’arrestation d’Alleg et permet ainsi au spectateur de mieux appréhender la complexité de cette époque. Puis le film revient sur la période d’emprisonnement d’Alleg en Algérie, alors qu’il va se mettre à écrire son expérience, qu’il fera passer à son avocat. Le manuscrit sera finalement édité par les Editions de Minuit, avant que le livre ne soit interdit sur le territoire français. Le film raccourcit seulement la période d’emprisonnement à Rennes avant l’évasion d’Alleg. Servi par un casting de qualité (Jacques Denis, Nicole Garcia, Roland Blanche et d’autres), le film est un témoignage important (tout comme le livre) sur une pratique honteuse, autour de laquelle le travail de mémoire en France reste encore à faire, bien que, depuis la publication des regrets de Massu en novembre 2000 dans Le Monde, les langues se soient un peu déliées et les études se sur le sujet multipliées. Le film est plus que jamais d’actualité avec les événements récents en Irak. Et alors que l’Algérie fêtera cette année ses 50 ans d’indépendance, espérons qu’il serve, comme d’autres documents importants sur cette époque (dont l’excellent film de Pontecorvo La Bataille d’Alger qui fut réalisé à peine 4 ans après la fin de la guerre), à mieux nous pencher sur les zones d’ombre de notre propre histoire…

Samedi 10 mars

La Taupe (réal. Tomas Alfredson, 2011)

Adapté du roman de John le Carré, Tinker Tailor Soldier Spy (1974), le film de Tomas Alfredson en propose une version cinématographique à la hauteur des livres d’espionnage du romancier anglais. Déployant un récit tortueux et truffé de suspicion, le film, comme le livre, s’inspire de l’affaire des « Cambridge Four» : quatre taupes à la solde du KGB, infiltrées dans le MI6 (les services de renseignements extérieurs du Royaume-Uni) et qui furent découverts entre 1951 et 1964, époque à laquelle John le Carré (de son véritable nom David John Moore Cornwell) travaillait également pour le MI6. Dépeignant donc la recherche d’un traitre au sein des services secrets britanniques, La Taupe met en scène avec élégance et sobriété, mais aussi un certain désespoir, le Londres des années 1970 et quelques destinations « exotiques », Istanbul, Budapest. S’appuyant sur une narration faite de flashbacks et d’ellipses, Alfredson travaille avant tout l’ambiance feutrée des officines de renseignements, les caractères discrets et taiseux de ses employés. Le casting des comédiens est excellent, d’un Gary Oldman qui nous revient en pleine possession de ses moyens, à un Colin Firth tout en subtilité de jeu, en passant par un Tom Hardy extravagant, méconnaissable en agent de terrain. La réalisation alterne classicisme éprouvé du genre : jeux d’ombres, jeu sur le champ/contrechamp travaillant les notions de surprise et de découverte d’identité. Mais par moments, Alfredson ne s’interdit pas quelques plans plus posés, des mouvements plus élaborés, permettant au spectateur d’apprécier la lenteur de la réflexion à l’œuvre chez les personnages ou l’étendue de la complexité d’une situation. Récit complexe (trop pour certains ?), le film traduit avec brio la paranoïa aigue qu’abrite tout service de renseignement en proie à la chasse aux « sorcières » et ramène sur le devant de la scène, la très grande qualité narrative de ce genre, le film d’espionnage réaliste : ses grands représentants, parmi lesquels Les Trois jours du Condor, Espion lève-toi, Les Patriotes, L’Affaire Cicéron, The Tailor of Panama (pour en donner un échantillon très personnel), peuvent s’enorgueillir d’accueillir, avec La Taupe, un nouvel étendard de qualité.

Dimanche 11 mars

Le Territoire des loups (réal. Joe Carnahan, 2012)

Réalisateur des excellents Narc et Mi$e à prix et du « très-réussi-dans-son-genre » L’Agence tous risques, Joe Carnahan nous propose, avec The Grey (bien meilleur titre anglais que le titre français, comme souvent…), un film sur la survie en milieu hostile, sujet déjà de ses deux premiers films, sauf que cette fois-ci le milieu hostile n’est plus la jungle urbaine (que ce soit Détroit ou les environs de Las Vegas), mais la nature lointaine et inhabitée par les hommes. Perdus en plein Alaska, loin de toute civilisation, les survivants d’un crash aérien vont devoir non seulement survivre au froid et aux tempêtes de neige en plein hiver, mais surtout faire face aux attaques répétées d’une meute de loups. Servi par un casting réduit mais de qualité, au premier chef duquel un Liam Neeson en pleine forme, le film oscille entre le survival et le film d’horreur ou de peur. Le spectateur est constamment mis en tension face aux défis que doivent relever les personnages ou aux horreurs auxquels ils sont confrontés. La réalisation, comme dans ses précédents films, est d’une redoutable efficacité : la caméra est dynamique et le montage nerveux (la scène de crash de l’avion est particulièrement impressionnante). Le travail du son a été peaufiné avec une grande qualité et procure un sentiment d’immersion très abouti : la scène ou les personnages doivent traverser un gouffre suspendu à une corde de fortune est à ce titre un exemple parfait de montage sonore en adéquation avec un certain souci de réalisme, un choix narratif d’attention du public à un élément ou un autre du récit. La musique n’est pas en reste et elle sait parfaitement s’intégrer à ce montage sonore, qui inclut le public dans l’univers oppressant de cette nature primitive… Les paysage enneigés et désertiques accompagnent cette immersion du spectateur dans un environnement hostile et abandonné par l’homme. La caméra de Carnahan capte avec attention et délicatesse les flocons de neige qui tombent inlassablement devant son objectif et viennent souvent brouiller la lisibilité de son image, comme son usage de focales très longues vient appuyer le sentiment de solitude des personnages dans ces immensités perdues et glaciales. On se désespère à espérer une issue positive pour ces hommes traqués, alors même que l’on sent bien qu’ils sont, comme le dira au début du film le personnage de Neeson, des étrangers. Le film nous tient de bout en bout et l’on ne peut s’empêcher de ressentir un certain soulagement lorsque le générique de fin arrive. En effet, le public se pose en témoin omniscient de cette lente descente aux enfers et moins en compagnon de voyage de ces personnages. On pourrait imaginer que leur échappatoire à la mort funeste, que proposait le crash aérien, ne soit finalement qu’un aperçu du purgatoire qui les attend (le film arrive à placer un discours religieux relativement intelligent, bien qu’attendu), quand la fourrure sombre et ténébreuse du mâle dominant des loups symbolise avec étrangeté l’enfer incarné sur Terre.

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