"Not a Pax Americana" – réflexions cinéphiles…

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Une semaine de films – du 23 au 29 avril 2012

Posted by Axel de Velp sur 30 avril 2012

Je vous propose, à l’occasion, un récapitulatif des films que j’ai visionnés sur une semaine et de vous en donner une lecture, à la fois critique, partiale et plus ou moins succincte, selon ce que les films m’inspireront au fil de l’écriture de ces billets, que je souhaite les plus spontanés possible. J’espère parfois vous donner envie ou vous dégoûter, selon chacun, chacune et chaque film…
Dans la mesure du possible, je m’abstiendrais de dévoiler trop des films, sauf quand j’estimerai qu’ils font partie du patrimoine cinéphilique obligatoire (j’exagère bien entendu), ou bien lorsque mon propos ne pourrait se passer, pour être limpide, d’explications précises, ou bien aussi lorsque je n’aurai que trop peu d’estime pour le film en question.

Enfin une semaine plus fournie que les précédentes, avec 5 films et un programme de courts métrages, dont de l’excellent (25th Hour, Avengers), du très bon (Love, Le Rêve de Galileo) et du moyen mais divertissant quand même (Running Wild et Rain Fall). Une « sélection » plus orientée atouts visuels mais qui ne sait pas oublier pour autant des sujets sérieux, preuve, s’il y en avait besoin, que le cinéma sait toujours autant nous divertir avec qualité que nous faire réfléchir avec intelligence.

Lundi 23 avril

Love (réal. William Eubank, 2011)

Décidément les petits films de SF indépendants ont le vent en poupe depuis quelques années. Après un Moon qui avait su surprendre son public, voici venu Love. Réalisé par un jeune cinéaste, à la faveur d’un projet artistique initié par le groupe de musique Angels & Airwaves (dont la bande originale du film n’est rien d’autre qu’un de leurs albums), Love narre la solitude profonde qui habite un homme isolé dans la station spatiale internationale, après que l’humanité est vraisemblablement succombé à un conflit nucléaire, bien que cela ne soit que supposition car peu d’éléments directs permettent de le corroborer, le choix de la mise en scène étant d’être exclusivement focalisée sur le personnage de l’astronaute (à l’exception des plans d’ouverture se déroulant pendant la Guerre de Sécession américaine). Porté par un comédien excellent et une réalisation particulièrement réussie (la photo est très travaillée et magnifie avec esthétisme l’âpreté du décor, les mouvements de caméra viennent contrebalancer avec intelligence l’absence d’apesanteur qu’une approche réaliste aurait imposée), le film propose une introspection personnelle, dont l’influence n’est pas sans rappeler un certain 2001, l’Odyssée de l’espace. Difficile, près de 50 ans après le chef d’œuvre de Kubrick, de ne pas sentir son influence lorsqu’il s’agit de mêler science-fiction et discours philosophique… Cependant Love s’en tire avec les honneurs et permet au spectateur de s’évader, de méditer sur la valeur de la vie et la solitude in fine de tout déroulement humain. Même la fin, par sa dimension « Spielbergienne », vient ajouter au film une couche de réflexion supplémentaire sur l’héritage moral et mémoriel de chaque vie humaine, comme en écho aux scènes d’ouverture autour de la Guerre civile US et de son témoin particulier que le film place en filigrane du récit principal.

Mardi 24 avril

Le Rêve de Galileo (programme de CM, 2011)

Comprenant 5 films (A Sunny Day de Gil Alkabetz, Allemagne – Galileo de Ghislain Avrillon, France – La P’tite Ourse de Fabienne Collet, France – Un tricot pour la lune de Gil Alkabetz, Allemagne – Margarita de Alex Cervantes, Espagne), ce sympathique programme de courts métrages destinés aux plus petits (dès 3 ans) comme aux plus grands fait la part belle aux histoires qui font rêver. Des velléités de se prendre pour Icare dans Galileo, au désir de capturer une étoile (Margarita) ou bien de tricoter un pull en laine pour la lune changeante et capricieuse (Un tricot pour la lune), en passant par la recherche du soleil de plaire aux hommes (A Sunny Day) ou le rêve d’une petite fille Inuit d’avoir un grand-père ours blanc (La P’tite Ourse), les films entraînent les spectateurs dans un foisonnement de rêveries et d’imaginaires : parfois mélancoliques, parfois comiques, jamais complètement utopiques, ces rêves ne sont pas forcément à portée de main, mais ils sont de la trempe de ceux qu’il faut avoir pour progresser dans le monde. Jolie leçon de choses bercée par des dessins et des styles d’animation variés, tous très réussis, y compris les essais de rendus en 3D (il n’est bien sûr ici pas question de relief mais bien de type de rendu d’image), toujours incertain dans les courts métrages. Ma préférence va à A Sunny Day et Un tricot pour la lune, dont l’humour ravageur a su conquérir les enfants dans la salle et une « mention spéciale » à La P’tite Ourse dont le caractère éminemment poétique n’avait d’égal que sa réalisation particulièrement réussie et en totale adéquation avec son sujet.

Mercredi 25 avril

Avengers (réal. Joss Whedon, 2012)

Sans compter sur la présence de Joss Whedon aux commandes (réalisation et scénario du film), je dois avouer que The Avengers me faisait un peu peur : une agglomération de super-héros peut entraîner de bon ménage (les deux premiers X-Men), mais aussi quelques ratés (le 3ème X-Men pour ne citer que lui). En fait tout dépend de qui est à l’œuvre derrière la caméra. Et le papa de Buffy a su répondre avec brio au défi soulevé par cette réunion de Thor, Iron Man, The Hulk, Captain America, Black Widow et Hawkeye. S’appuyant sur ses talents d’écrivains qui ne sont plus à prouver (et servi au préalable par des comics d’une suffisante variété et qualité pour bien s’en inspirer), Whedon sait donner à chacun de ses protagonistes la mesure qui lui est nécessaire, sans jamais négliger leur importance respective. Thor en demi-dieu extraterrestre est bien mieux inspiré qu’il ne l’était dans le film qui lui était dédié. Le Hulk de Mark Ruffalo n’a rien à envier aux précédents. Captain America continue sur la lancée du sympathique opus qui lui avait été consacré et donne un pendant très appréciable à la rébellion parfois gamine de Stark, qui reste le personnage « central » de cet Avengers. Quant aux nouveaux venus (cinématographiques) que sont Hawkeye et Black Widow, on ne peut que se féliciter du travail accompli par Whedon pour leur donner corps face aux autres, quand bien même ils n’ont pas eu droit à des films dédiés au préalable. Mais s’il n’y avait que le travail d’écriture qui était de bonne facture (bien que le rythme du début du film laisse parfois un peu à désirer, comme tout film de ce type qui nécessite une « installation » des personnages parfois un peu lente), The Avengers ne m’aurait pas enthousiasmé comme il l’a fait. La réalisation y est également pour beaucoup. Les scènes d’action sont elles très rythmées et viennent progressivement annoncer le véritable plaisir du film : la bataille finale. Dirigée de main de maître, Whedon prouve qu’il est bien plus qu’un excellent scénariste. L’action est ininterrompue, les plans sont tous plus audacieux les uns que les autres et la fluidité de l’action donne une lecture limpide des enjeux. On est bien loin de la médiocrité de la scène finale de Transformers 3 ou encore de la réalisation malheureusement confuse de celle de Iron Man 2. Un plan vient sublimer tout le film dans cette séquence où la caméra passe d’un protagoniste à un autre sans aucune coupe au montage. Exploit de post-production évident (et pas forcément de tournage proprement dit), ce plan n’en reste pas moins une très belle idée de mise en scène sur la nécessaire coordination que suppose une équipe de super-héros, si ceux-là veulent dépasser leurs égos respectifs pour sauver la planète.

Jeudi 26 avril

Running Wild (réal. KIM Sung-su, 2006)

Polar coréen comme il en existe tant, Running Wild se situe dans la moyenne. Scénario déjà vu mais néanmoins prenant, acteurs de qualité sans toucher à l’exceptionnel, réalisation classique mais efficace, le film permet de se divertir avec un minimum de qualité tout en proposant quelques scènes assez mémorables, dont les deux « finals » du film, le premier un poil plus convaincant que le second.  On pourra regretter une photographie pas toujours du meilleur goût et quelques faux raccords assez désagréables. Il y a cependant à l’occasion quelques bonnes idées de mise en scène, la plupart sur la figure esthétique du reflet qui parcourt le film, du meurtre du frère aux arrestations du flic et du procureur. Reste aussi la musique du film, signée KAWAI Kenji, toujours aussi envoutant dans ses thèmes musicaux, même lorsqu’il n’illustre pas les films d’OSHII.

Rain Fall (réal. Max Mannix, 2009)

Film d’espionnage situé à Tokyo, mettant en scène agents doubles japonais pour la CIA, police nippone et pègre japonaise de haut-vol (en accointance avec la classe politique japonaise), Rain Fall, au-delà des ses caractéristiques vendues d’avance auprès des nippophiles et des aficionados d’histoire d’espions, n’a pas grand chose à avancer pour lui… Scénario attendu, jusque dans sa « révélation finale », jeu des comédiens un peu trop appuyé, y compris chez Gary Oldman, dont les scènes d’excitation sur ses sous-fifres sont peu crédibles, la mise en scène ne rattrape pas véritablement tout cela : sans être indigente, elle ne remplit que le minimum syndical et le côté mièvre de la romance du récit vient finir d’achever ce film, qui n’a que pour lui son ambiance et son strict respect des langues maternelles de chacun (chose rare dans les films américains). Heureusement que, là encore, la musique du film est signée KAWAI Kenji et qu’elle lui donne parfois un peu plus d’ampleur (même si écoutée dans deux films distincts, mais de manière consécutive, la « patte » du compositeur devient évidente)…

Dimanche 29 avril

24 heures avant la nuit (réal. Spike Lee, 2002)

Premier film vraiment politique sur l’après-11 septembre, 25th Hour, bien qu’étant un film de commande, reste à ce jour pour moi le meilleur film de Spike Lee : l’aboutissement à la fois d’un discours politique sur la société civile américaine et ses engagements, mais aussi de son invention esthétique. Car si globalement le cinéaste ne s’est jamais départi d’un certain classicisme dans la forme (ni même d’ailleurs sur le fond), il a toujours su introduire dans son usage de la caméra et son montage des idées collant parfaitement à son sujet. Ici, la ville de New York est filmée de manière tellement sublimée sur tout un tas de plans qu’il faut revenir aux failles que le cinéaste donne à voir dans la coupe ou le contre-champ (des plans rapides sur la pauvreté ou Ground Zero en arrière plan) pour comprendre le mal-être de cette ville nouvellement traumatisée. Idem des usages importants que le cinéaste fait des effets de transparence et de reflets, en particulier lorsque le personnage de Frank (exceptionnel Barry Pepper) est à l’écran et qui viennent traduire le constant jeu de faux-semblants et d’apparences trompeuses que le personnage entretient alors même qu’il délivre un discours moralisateur à ses amis ou développe un furieux sentiment de supériorité face à eux ou ses collègues. Que dire des effets de loupe ou de fish-eye réservés au personnage de Philip Seymour Hoffman (Jacob), qui viennent appuyer son irresponsable attirance sexuelle envers son étudiante mineure. Enfin, la caméra n’est jamais en reste de filmer avec insistance les formes généreuses de Rosario Dawson (« naturelle » Naturelle Riviera) ! Tout est comme si, dans le monde qui entoure Monty (excellent Edward Norton), l’on ne pouvait que se confirmer à son analyse de début de film sur la ville de New York : un empilement de clichés qui poussent à nous donner la nausée. Seulement voilà, Spike Lee aime trop cette ville pour que cette scène grandiose de monologue de Norton soit regardée autrement que de manière schizophrénique : le texte nous pousse à épouser les vues haineuses (du moins au début) du personnage tandis que les images sont une déclaration d’amour à la Grande Pomme dans toute sa diversité, tant culturelle qu’urbaine. Finalement le spectateur à la fin de la scène ne peut que retourner la diatribe envers Monty (comme le fait son reflet), on ne gâche pas une si belle histoire d’amour (entre le personnage et la ville cela va sans dire). Il faut apprécier avec toute leur subtilité les plans vers le début du film où Monty marche dans NYC et traduit l’osmose qui existe entre ce personnage et ce lieu. Le père de Monty ne se trompera lorsqu’à la fin du film (dans l’évasion rêvée) il lui dira qu’il est un « New Yorker » et qu’il le restera à jamais. Mais au-delà de ces choix esthétiques (dont le redoublement de plans dans le montage utilisé de manière fugace mais intelligemment placé dans le film) qui épousent parfaitement leur sujet, le film pose également l’un des premiers vrais discours critiques sur la société américaine post-11 septembre. Non pas pour en faire le lieu de la dernière liberté et du patriotisme déplacé (il faut voir comment Spike Lee fait usage du drapeau US dans le film à contre-emploi total des usages habituels), mais comme l’événement qui devrait réveiller l’Amérique d’une longue gueule de bois suite à l’effondrement du bloc soviétique. Le trajet de Monty est en parallèle de celui de cette société américaine : en relation avec la finance véreuse (Frank), l’exploitation des opprimés (la mafia russe), l’inconstance des choix moraux (les hésitations de Jacob), l’importance de l’apparence au-delà du rapport réel et profond entre les personnes (son idylle avec Naturelle et sa suspicion d’elle), la société américaine a payé le prix de son insouciance face au monde avec la mort de dizaine de milliers d’innocents dans les Twin Towers, comme Monty va devoir payer le prix de sa délinquance. Comme le dit Frank dans un éclair moralisateur de lucidité devant le chantier de Ground Zero : « He deserves it! ». Finalement, la fin fantasmée de l’évasion proposée au fils par le père n’est que le dernier soubresaut d’une génération responsable de cette situation. Et quand bien même le personnage de Norton ne rejette pas ses fautes sur son père, il faut bien avouer qu’il accepte avec tout le courage du monde à affronter ses propres démons pour aller en prison. Jusqu’à demander à son meilleur ami de le rendre moins beau qu’il ne l’est afin qu’il ne devienne pas le jouet de ses futurs codétenus. Et bien qu’il ne soit pas très clair si la fin est celle d’un enfermement ou d’un avenir qui aurait pu avoir lieu, reste que Spike Lee donne à voir ce que l’Amérique aurait pu être ou pourrait encore être si elle cherchait à comprendre ce que les attentats du 11 septembre ont pu signifier dans son rapport au reste du monde, du moment qu’elle passe d’abord par accepter les conséquences de ses actes et en premier lieu le trauma de 9/11. De même que la scène du miroir et du monologue sur NYC est un vibrant hommage à cette ville unique au monde, la fin fantasmée est une ode aux idéaux profonds de l’Amérique, ceux progressistes qui donnent à tout un chacun leur chance quelque soit leurs origines ou leurs erreurs passées, ramassée dans cette idée américaine par excellence de l’Ouest ou de Frontière. Seulement voilà, la Frontière n’existe plus et il ne reste qu’à Monty et à son père de finir leur trajet le long de l’Hudson jusqu’à la prison d’Otisville, pour que désormais RIEN ne soit plus jamais comme avant : comme l’avait prédit Frank au début du film, sans peut-être même se douter que lui aussi en subirait les conséquences, ce que le plan serré sur son visage à la fin du film semble vouloir dire…

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Une semaine de films – du 27 février au 4 mars 2012

Posted by Axel de Velp sur 5 mars 2012

Je vous propose, à l’occasion, un récapitulatif des films que j’ai visionnés sur une semaine et de vous en donner une lecture, à la fois critique, partiale et plus ou moins succincte, selon ce que les films m’inspireront au fil de l’écriture de ces billets, que je souhaite les plus spontanés possible. J’espère parfois vous donner envie ou vous dégoûter, selon chacun, chacune et chaque film….
Dans la mesure du possible, je m’abstiendrais de dévoiler trop des films, sauf quand j’estimerai qu’ils font partie du patrimoine cinéphilique obligatoire (j’exagère bien entendu), ou bien lorsque mon propos ne pourrait se passer, pour être limpide, d’explications précises, ou bien aussi lorsque je n’aurai que trop peu d’estime pour le film en question…

Mardi 28 février

La Dame de fer (réal. Phyllida Lloyd, 2011)

Je suis très déçu par ce film qui propose non pas de brosser un portrait de la Dame de fer, sous l’angle historique ou politique, pas même sous l’angle de la politicienne qu’elle fut, mais finalement beaucoup plus sur ce qu’elle est devenue ensuite. Sénile, Margaret Thatcher vit entourée de sa fille et d’un personnel de maison dont elle n’a que faire. Alors qu’elle veut trier les affaires de son mari (mort dix ans plus tôt), elle va passer en revue sa vie au gré de souvenirs plus ou moins marquants, hantée par le fantôme de son mari que son esprit n’arrive pas à « chasser ». Malheureusement Phyllida Lloyd, qui signe là son deuxième long métrage, après l’adaptation cinématographique de la pièce Mamma Mia !, s’attarde trop sur la vieillesse de la première femme Premier Ministre britannique, pour nous permettre d’apprécier pleinement un discours sur son histoire et l’Histoire de l’Angleterre qu’elle a dirigée. Occupant plus de la moitié du film, les scènes de vieillesse viennent attendrir un personnage dont la postérité n’est plus à démontrer, que l’on soit d’accord ou pas avec les idées que Thatcher défendait. Enfonçant des portes ouvertes et ne parlant que de choses que la majorité d’entre nous connaissent déjà très bien, la cinéaste pose quelques opinions critiques (et encore) mais se garde bien de les fouiller. Finalement, on aurait pu aussi apprécier, au-delà de la critique historique, économique ou sociale des idées « Thatcheriennes », un profil psychologique de l’animal politique que fut la Dame de fer. Là encore, le film ne va jamais très loin et se concentrant essentiellement sur sa période en poste à la tête du pays, on ne comprend pas bien pleinement le parcours que cette femme a pu avoir et construire pour arriver à s’imposer à la tête de son parti et de son pays. Accumulant des images d’archives comme autant de clichés d’histoire et oubliant de proposer une profondeur critique, le film ne convainc pas. Sur la période de vieillesse, bien sûr à demi-mots, il est proposé de croire que, peut-être (excès de prudence est la mère de toute prévention d’accusation de médisance), Margaret Thatcher regrette quelques erreurs de son passé, mais lesquelles ? D’avoir abandonné son mari et ses enfants ? Ou d’avoir fait payer certains pour le redressement de l’Angleterre qu’elle estimait juste ? Le film ne convainc pas non plus sur les flashbacks qui ne sont pas assez critiques ou détaillés ou qui ne montrent pas assez la politicienne à l’œuvre et non juste des faits de politique. Je pense ici à des films similaires et l’un qui me vient à l’esprit est La Conquête de Xavier Duringer. Sur un sujet bien plus contemporain, le cinéaste avait su proposer avec lucidité et efficacité, au-delà des positions politiques de chacun des spectateurs qu’il aurait en face de son film, le profil de politicien, de bête de campagne de Nicolas Sarkozy. Malgré quelques défauts, il avait offert un traitement de son sujet plutôt réussi et abouti, en particulier sur le jeu des comédiens et tout spécialement celui de Denis Podalydès. Le film de Phyllida Lloyd, bien que la prestation de Meryl Streep soit d’un niveau remarquable (mais pas au niveau de l’acteur français), n’arrive pas même à atteindre cette qualité de lecture d’une figure politicienne qui, indéniablement pour le meilleur et probablement pour le pire, a marqué l’histoire contemporaine.

Mercredi 29 février

The Next Three Days (réal. Paul Haggis, 2010)

Remake du film français, Pour elle, de Fred Cavayé, réalisateur aussi de l’excellent A bout portant, The Next Three Days reprend avec efficacité tout le sel du polar d’origine. Russel Crowe est crédible dans son rôle de professeur d’université, obligé de se confronter à une réalité qui le dépasse mais dont il saura dompter tous les obstacles. Paul Haggis, réalisateur de l’oscarisé Crash, fait un travail classique mais de bonne facture. La mise en scène est efficace (la scène dans la voiture sur l’autoroute est à ce titre un bel exploit de réalisation). Elle sait jouer habilement avec les nerfs du spectateur dans certaines scènes et le montage n’est pas en reste. En particulier lors d’une séquence vers la fin du film, Haggis joue sur ce gimmick habituel du film à suspense : montrer au spectateur une séquence en montage supposément alterné (deux événements distincts se déroulent simultanément dans des espaces qui peuvent être assez proches : des poursuivants et des poursuivis), pour finir par relâcher la tension en nous faisant comprendre que nous n’étions finalement que devant un montage parallèle (deux événements distincts qui n’ont pas de simultanéité ou pas le même espace de résolution). L’astuce consiste à donner à chaque événement la même dynamique (des poursuivants d’un côté, des poursuivis de l’autre, en l’occurrence). Mais sorti de cette bonne facture et quand bien même le film présente bien, il lui manque quelque chose pour transcender le genre et proposer plus que son sujet et son point de vue. Alors on se contentera des quelques scènes efficaces que le film propose ou du panel de comédiens de second plan qui peuplent le film et lui donnent beaucoup de cachet : en particulier Brian Dennehy (Presumed Innocent, Cocoon, Rambo), qui se fait malheureusement trop absent ces derniers temps dans les films américains, malgré une carrière prolifique à la télévision.

Les Dents de la mer (réal. Steven Spielberg, 1975)

Après avoir lu le livre d’analyse d’Antonia Quirke aux éditions du British Film Institute, je me devais de revoir le film de Spielberg, que je n’avais pas revu depuis le début des années 2000 (date de sortie du DVD édition collector pour les 25 ans du film). Je dois avouer que je suis toujours sous le charme et l’emprise de cette expérience particulière qu’est le fait de regarder Jaws, même quand on le connaît par cœur. Je commencerais par faire une parenthèse sur le livre évoqué ci-dessus. L’analyse est souvent intéressante et ne fait pas la fine bouche sur les anecdotes de production qui permettent souvent d’approfondir un sujet. Je lui reproche cependant une construction qui suit la chronologie du film et empêche ainsi à mon sens de véritablement s’attaquer à des thématiques transversales du film particulièrement fortes et de regrouper les remarques de l’auteur dessus dans un même espace de discours, qui donnerait plus de force à son analyse. Cela étant, sa lecture reste intéressante et sans m’avoir vraiment fait découvrir de nouvelles lectures possibles du film de Spielberg, elle m’a néanmoins permis d’en fouiller quelques unes que je n’avais fait qu’approcher auparavant.
Le film reste toujours aussi efficace et le choix de montrer si peu le requin, avant la toute fin du film, lui a permis de bien vieillir, même après plus de trente ans (il y a un autre film dont on pourrait dire la même chose, c’est Alien de Ridley Scott). Jaws comporte beaucoup de scènes iconiques et Spielberg, malgré (ou à cause de ?) sa jeunesse, y montre, sans maniérisme, son talent en devenir : tant sur sa capacité à mettre en scène de manière efficace son sujet, qu’à écrire une histoire qui sait vous accrocher (il ne faut pas oublier que bien que le film soit adapté d’un roman de Peter Benchley, Spielberg ne l’aimait pas du tout et a considérablement modifié le scénario avec l’aide de Carl Gottlieb). On pourrait citer la séquence d’ouverture, scène de viol détourné, où, l’acte sexuel annoncé entre la jeune fille et le jeune homme sur la plage n’ayant plus lieu, il faut que la tension sexuelle de la scène soit résolue coûte que coûte. La mort de Chrissie ressemble donc plus à un viol (les cris, le fait qu’elle se baigne nue, son incapacité à surmonter son « agresseur ») qu’à un meurtre. D’ailleurs, il faudra attendre la séquence suivante pour que le meurtre soit achevé, lorsque Brody (superbe Roy Scheider qui semble venir tout droit de French Connection, puisqu’il incarne un flic new yorkais qui a quitté la « grande ville » pour le calme du littoral), son adjoint et le jeune homme découvrent les restes du corps. Autre scène iconique du film très importante, celle de la plage avec la mort du fils Kintner. D’abord, la tension de Brody est palpable à chaque plan et chaque contre-champ viendra la désamorcer (le vieux avec son bonnet qui nage la tête sous l’eau, la fille qui crie parce que son copain la chatouille sous l’eau, etc.), avec une caméra qui avance par à coups vers le visage de Brody, le changement de plan (et donc de cadre) se faisant toujours en profitant d’un « obstacle visuel » entre le spectateur et Brody. Et puis finalement, quand il est trop tard et que l’attaque a bien lieu, alors non seulement Spielberg fait son travelling avant vers Scheider, sans aucune interruption, mais en plus il le couple avec un zoom optique arrière, pour faire ce que l’on appelle un travelling compensé (parfois plus connu sous le nom de « effet Vertigo », puisque c’est un effet visuel que Hitchcock avait démocratisé dans son film lors des scènes de vertiges dans le clocher). C’est à croire que Spielberg veut nous dire que la compréhension par Brody de l’acte violent, infligé à l’homme par la nature (l’attaque du requin), ne peut être contraint par aucun obstacle et qu’il doit en prendre toute la pleine mesure en ne pouvant y soustraire son regard. La question fondamentale de la monstration de la violence et de son aboutissement, la mort, passe par ce regard et ce plan : ils interdisent tout dérèglement de la vision des personnages face à la mort brutale et profondément primale que le squale offre à ses victimes.
On retrouvera la même idée plus loin dans le film, lorsqu’un des fils de Brody assiste impuissant à la mort d’un homme tombé d’un bateau près de lui et alors que le requin regagne le large (on le devine, avec son « butin » dans sa mâchoire). La mort qu’offre le requin à ses victimes est une mort fascinante en ce sens, que le lieu par où l’on meurt (les mâchoires du requin) est également le lieu où l’on va se perdre corps et âme (le néant de l’estomac du requin que l’on aperçoit derrière ses dents). Spielberg retravaille ce motif à la fin du film, avec la mort de Quint, lorsque pour un bref instant, ce dernier peut regarder droit dans les yeux le gouffre infernal qui n’attend plus que lui pour boucler la boucle : le ramener à ses camarades du Pacifique, morts dévorés par des squales en attendant les secours dans l’eau.
Pour finir, si ce film m’a traumatisé et m’empêche encore aujourd’hui de me baigner en mer sans penser qu’un grand blanc pourrait venir me dévorer depuis les abysses, j’avoue que j’ai toujours été surpris et séduit par son côté très enjoué dans certaines scènes. Spielberg manie habilement la vie en carton pâte d’Amity : les couleurs chatoyantes des maisons et de l’herbe verte aux alentours, le bleu du ciel et le soleil radieux qui tombent sur les corps huilés, prêts à se plonger dans la mer fraiche après s’être prélassés sur le sable chaud. Il y aussi le caractère très espiègle du personnage interprété par Richard Dreyfuss, mais qui sait rester sérieux car il sait que bientôt la fête sera finie. Cet endroit idyllique n’attend plus qu’une chose : un grain de sable de plusieurs mètres et de quelques tonnes pour venir tout mettre sens dessus dessous. La mer n’est plus synonyme de vacances et de fête, mais de sang et de démembrements. Le panneau publicitaire prometteur devient un mauvais gag, qui fait plus froid dans le dos qu’il ne fait sourire. La foule joyeuse se transforme en troupeau paniqué et sans scrupule, que plus rien n’arrête, ni un vieillard qui tombe, ni même un enfant en pleurs. Spielberg joue si bien avec nos angoisses de la transformation malsaine de nos icones de vacances, que lorsque la femme de Brody répond à son mari, qui lui a dit de rentrer à la maison, « celle de New York », nous, spectateurs, sommes déjà dans le train en direction de la Big Apple. À ce moment là, le film change de registre, on passe d’un film basé sur la peur et la tension, où le « non-vu » de la menace est plus important que la menace elle-même, à un film basé sur l’action, où cette menace va prendre réellement corps (et pour cause elle est pleinement dans son élément) et pouvoir ainsi occuper tout l’espace filmique. Rares sont les films qui réussissent à changer de dynamique en leur sein et le cinéaste de Duel revient, à la fin de Jaws, à ses premiers amours. En cela, il prouvait là aussi, qu’il était capable de bien plus qu’il n’y paraissait et tout le « plaisir » (il y en a toujours un peu lorsque l’on regarde un film pour se faire peur) serait pour nous, avec la suite de sa carrière…

Jeudi 1er mars

Zodiac (réal. David Fincher, 2007)

Film étonnant dans la filmographie de Fincher, Zodiac amorçait en fait le virage que sa carrière allait prendre par la suite avec The Curious Case of Benjamin Button, The Social Network et The Girl with the Dragon Tattoo (même si ce dernier ramène Fincher à certains de ses premiers amours). Polar déstructuré, sans véritable suspense, loin de l’oppressante atmosphère de Seven, du twist final de Fight Club, du jeu narratif méthodique de The Game ou du maniérisme outrancier de Panic Room, Zodiac est d’abord un film historique (comme le sera tout autant The Curious Case…). En utilisant le fait divers du tueur au « zodiac », qui sévit dans les années 70 dans la région de San Francisco, Fincher invite le spectateur à replonger dans l’ambiance particulière des seventies et à comprendre l’Amérique de cette époque-là. La reconstitution est exemplaire, tant dans les costumes et les décors que dans les relations entre les personnages et la justesse des dialogues. Elle l’est également dans la démonstration d’un média, la presse d’information grand public, confrontée à la démence d’un homme isolé et malsain. La réponse de ce média, bizarrement, ne sera pas à la hauteur de ce qui se passera quelques années plus tard à l’autre bout du pays : l’attitude du Washington Post et de deux de ses journalistes, face à un autre homme malsain, mais ô combien plus « célèbre ». Difficile en effet de ne pas penser, quand on regarde Zodiac, au film de Pakula, Les Hommes du Président. Si leurs sujets respectifs sont tous les deux authentiques, si la force derrière l’esprit d’investigation est de nature journalistique chez tous deux, la réalité de leur résolution empêche les films de pouvoir se ressembler sur la forme. Le film de Pakula est un film clair dont la ligne sombre se joue dans les parkings, les sous-sols ou sous le porche des maisons de gens que l’on vient interviewer le soir, mais dont la clarté de la salle de rédaction du Post et le dynamisme des échanges entre Bernstein et Woodward, rangent le film dans une note positive, au même titre que sa conclusion. Alors que chez Fincher, le sombre est quasiment le quotidien des personnages du film, qu’il s’agissent de leurs bureaux, de leurs lieux de vie, des heures où ils enquêtent. L’obsession de Graysmith (génial Jake Gyllenhaal) et son enfermement progressif est la face cachée de cette Amérique des années 70, qui bien que grandie par les exploits d’un Woodward ou d’un Bernstein, est l’orpheline des Kennedy, King et autre Malcolm X. Si la violence des meurtres en question a profondément marqué la société américaine (et plus particulièrement celui de J.F.K., comme l’a démontré Jean-Baptiste Thoret dans son excellent ouvrage 26 secondes L’Amérique éclaboussée) et a pu rester impunie, alors que dire et comment comprendre celle d’un homme comme le zodiac. Il échappera à la justice et à l’enquête, après avoir nargué l’opinion publique, alors que d’après le film (et le livre dont il est tiré) tout était presque là pour l’arrêter. Il n’aurait manqué que quelques preuves circonstanciées mais nécessaires pour véritablement le confronter. Le film est donc particulièrement sombre, violent dans son absence de résolution possible des angoisses qu’il génère et désespérant dans ce qu’il apprend de la nature humaine. Cependant il est étrangement fascinant, comme la première énigme du zodiac fascine le caricaturiste Graysmith.
Premier film de Fincher tourné en numérique (essentiellement sur Viper), la photo majestueuse, toute en finesse sur les tonalités de gris et les clairs obscurs, vient parfaitement appuyer son propos. La réalisation n’est pas en reste, même si comme on l’a dit plus tôt, elle est bien moins esthétisante et tape-à-l’œil qu’elle ne l’était dans les précédents films du cinéaste. Elle reste efficace, jamais hors de propos et quelques scènes sont particulièrement réussies (celle de la maison du projectionniste bien sûr, mais aussi toutes celles des meurtres du zodiac). Fincher nous livre ici un grand film policier historique, au casting très alléchant (Jake Gyllenhaal, Robert Downey Jr., Elias Koteas, Dermot Mulroney, Mark Ruffalo, Chloë Sevigny et j’en passe…).

Vendredi 2 mars

Chronicle (réal. Josh Trank, 2012)

Et un film-footage de plus ! Dernier gimmick filmique des années 2000 (même si le concept avait été utilisé bien avant), le film-footage place le spectateur devant le postulat de départ suivant : les images que nous voyons sont des images enregistrées par des protagonistes (principaux ou secondaires) de l’intrigue, que le film dévoile devant nos yeux. Cela suppose que le récit justifie que le spectateur ait accès à ces images. Il n’en est pas question dans Chronicle : la première caméra est détruite et enterrée donc quid de cet accès ? Et enfin l’accès aux images de la fin du film dans Seattle, prélevées sur différentes sources (images de tv de surveillance, d’hélicoptères de la police, etc.) n’est nullement justifié, pire : certains des derniers plans de cette séquence ne sont même pas validés par la possible présence de « témoins » pour les enregistrer (du moins le film n’est-il pas très clair pour ceux-là). Cette petite entorse au genre est d’autant plus remarquable que le film, portant sur des super-héros en devenir capables de télékinésie, permet à un moment donné aux protagonistes de ne plus tenir la caméra qui les filme et de faire flotter celle-ci. Astucieux stratagème scénaristique qui libère ainsi la mise en scène du film des contraintes habituelles du film footage, soit une caméra-épaule brinquebalante, à hauteur de regard et toujours située au centre de l’action et ne permettant que rarement d’en sortir. La libérer ainsi est peut-être la seule vraie idée de réalisation du film. Autre sujet donc de ce film, la figure du super-héros. Là encore, il n’y a rien de vraiment neuf sous le soleil, et même si le film remplit bien son contrat, reste intéressant et entraînant, il ne fait pas preuve d’une grande originalité ou à défaut d’une grande profondeur de traitement. On aura vite compris que le personnage présenté comme censément le héros deviendra finalement tout à fait autre chose. Mais là où Shyamalan, dans Incassable, montrait avec justesse la naissance d’un super-héros et de sa Némésis obligatoire, un « super-villain », Chronicle ne se sort pas d’une psychologie basique de l’adolescent contrarié. Dommage qu’on en arrive à tout ça pour ça…

Dimanche 4 mars

Le Prêtre et la Jeune Femme (réal. Joaquim Pedro de Andrade, 1965)

Premier long métrage de fiction du cinéaste Joaquim Pedro de Andrade, l’un des représentants du Cinema Novo, nouvelle vague brésilienne datant des années 60, Le Prêtre et la Jeune Femme est un film surprenant à plus d’un titre. Je dois avouer que je ne connais que très peu tout ce cinéma (n’ayant vu que quelques extraits des films de Glauber Rocha lors de cours à l’Université), mais cette première véritable rencontre m’a beaucoup impressionné. D’abord par le lyrisme innocent mais très prenant du film, qui parle d’amour terrestre passionné et délivre en sous-main une critique non dissimulée de la religion catholique, du pêché et de l’emprise de ces concepts sur les populations isolées de cette partie du Minas Gerais, région alors abandonnée du Brésil. La jeune femme, sorte d’Eve tentatrice, couchant avec tous les hommes ayant un peu de pouvoir dans le village (le vicaire, son éducateur et mentor Honorato, le pharmacien et plus tard le nouveau curé), vient corrompre puis faire éclater le tissu social déjà sclérosé du petit village qui l’abrite. On sent que l’influence d’un Buñuel n’est pas très loin sur la manière de dépeindre certaines réalités sociales, en exaspérant leurs manifestations visuelles. On est fasciné par la peinture donnée des hommes du village, dont le labeur n’est plus que le fantôme de la réputation passée des mines alentours, en attente quotidienne de l’apparition de la jeune femme, seul rescapée de la vieillesse ou de la malformation, stigmates visuelles de l’abandon du pays et dont témoignent tous les autres personnages féminins du film. Le prêtre n’échappera pas à l’envoûtement de cette « succube », mais ce qui est intéressant, c’est qu’une fois la décision prise de la sortir de cet enfer, qu’elle a elle-même certainement créé (on voit bien lors de la scène avec le pharmacien qu’elle est très volontaire dans l’acte « d’adultère », bien plus qu’il ne l’est), la vision que le film offre d’elle est tout autre. Elle est bien plus pure et innocente qu’il n’y paraissait et c’est certainement pour cela que le curé ne pourra résister à ses charmes. La tension sexuelle qui parcourt tout le film est ici enfin réalisée, dans ces plans fugaces de morceaux de corps dénudés, tout en retenue que le film propose comme vision de l’acte charnel. Cependant, l’acte maudit dont les protagonistes viennent de se faire l’instrument, la profanation du corps sacerdotal, a eu un témoin extérieur (le pharmacien) qui s’en fera l’écho auprès du village et qualifiera leur amour de béni, sacré mais aussi qu’elle le diable, un diable sacré. Perdu dans le paysage désertique environnant, les deux personnages finiront par revenir au lieu qu’ils cherchaient à fuir, pour y être confronté à leur destin. Si leur errance dans les montagnes désolées du Minas Gerais est comme un parcours dans les limbes, c’est l’Enfer qui les attend au bout de leur chemin. Cherchant une dernière fois à échapper au courroux des villageois, les amoureux finiront par se réfugier dans une ancienne grotte abandonnée près du village et ils finiront par y mourir, asphyxiés par de la fumée. Le cinéaste finit d’ailleurs le film sur un plan plus qu’explicite où la caméra se trouvant dans la grotte nous montre l’entrée de celle-ci et en arrière plan les villageois observant les flammes de grands feux qu’ils ont allumés entre elle et eux et qui viennent progressivement remplir l’image.
Aidée par une restauration exemplaire et servie par une photo en noir et blanc, dont le jeu est basé sur des contrastes forts entre ombres profondément noires et lumière très blanche (reflet sur la chaux des bâtiments), la mise en scène est parfaitement au diapason de son sujet. Elle sait suivre avec érotisme les déplacements de la jeune femme dans le village et ses gestes sur le corps des hommes. Elle sait aussi alterner les gros plans mettant en avant les interrogations multiples des protagonistes et de très beaux plans larges montrant l’immensité qui englobe la communauté humaine du film et la perd. La réalisation sait aussi par moments travailler le jeu du cadre : le rapport entre les corps au sein de ce cadre rappelle une danse effrénée et une course contre la mort annoncée (magnifique scène vers la fin où le curé tente désespérément de repousser les vieilles femmes qui l’assaillent lui et la jeune femme). Superbe découverte qu’est ce premier film de Joaquim Pedro de Andrade et je compte bien ne pas m’arrêter en si bon chemin, donc il est très probable que dans les semaines à venir, vous entendiez encore parler de Cinema Novo…

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