"Not a Pax Americana" – réflexions cinéphiles…

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Une semaine de films – du 2 au 8 juillet 2012

Posted by Axel de Velp sur 16 juillet 2012

Je vous propose, à l’occasion, un récapitulatif des films que j’ai visionnés sur une semaine et de vous en donner une lecture, à la fois critique, partiale et plus ou moins succincte, selon ce que les films m’inspireront au fil de l’écriture de ces billets, que je souhaite les plus spontanés possible. J’espère parfois vous donner envie ou vous dégoûter, selon chacun, chacune et chaque film…
Dans la mesure du possible, je m’abstiendrais de dévoiler trop des films, sauf quand j’estimerai qu’ils font partie du patrimoine cinéphilique obligatoire (j’exagère bien entendu), ou bien lorsque mon propos ne pourrait se passer, pour être limpide, d’explications précises, ou bien aussi lorsque je n’aurai que trop peu d’estime pour le film en question.

Semaine peu riche, mais avec une belle surprise pour démarrer, car je n’aurai pas cru que le Tintin de Spielberg me séduirait autant. Le reste est inégal et peu profond, mais néanmoins divertissant, avec à chaque fois des raisons différentes !

Jeudi 5 juillet

Les Aventures de Tintin : le secret de la Licorne (réal. Steven Spielberg, 2011)

Après avoir vu ce Tintin « nouvelle sauce » sur mon écran HD, je regrette vivement de ne pas avoir pris le temps d’aller le voir en salles (en 3D pourquoi pas ?). Évacuons la question de l’adaptation (qui me semble être un faux problème comme souvent avec cet exercice) : je la trouve très correcte dans son respect global d’un univers, bien évidemment avec des choix de rythme et d’action qui, eux, sont quelque peu éloignés de l’univers originel d’Hergé, mais comment ne pas comprendre ces choix là. Les précédentes adaptations « cinématographiques » du petit reporter belge avaient cruellement fait sentir la rythmique toute particulière de la bande dessinée d’origine et la volonté de proposer quelque chose de plus moderne est un choix qui me semble cohérent dans une volonté à la fois de respect de l’œuvre, de son esprit mais aussi d’un jeune public différent de celui qui découvrait en son temps les aventures de Tintin lors de leurs parutions. Le film, même s’il ne colle pas exactement au récit du volume dont il s’inspire (nommément, Le Secret de la Licorne), en propose une relecture agréable et divertissante, remplie à foison de clins d’œil divers et variés à la saga d’Hergé. Pour mieux apprécier le travail des comédiens, dont il ne faut pas oublier que leur performance est présente à l’écran par la technologie, ici superbement démontrée, de la motion capture, j’ai choisi de regarder le film en VO. Si j’ai apprécié donc de pouvoir retrouver via leurs voix toute l’étendue du travail d’acteurs donné par Jamie Bell, Andy Serkis (excellent) ou encore Daniel Craig (excellent également), je dois quand même avouer que cela m’a fait bizarre d’entendre Milou se faire appeler Snowy ou bien de ne pas vraiment reconnaître les jurons et injures réputés du Capitaine Haddock. Maintenant venons au plus important du film selon moi : la réalisation. Spielberg et Jackson démontrent ici toute l’étendue de leur talent de metteur en scène. Plusieurs séquences sont de véritables scènes d’anthologie : l’évasion du bateau, la course poursuite dans la ville orientale, la bataille navale avec les pirates, mais parfois aussi quelques scènes simples et sans action : à chaque fois l’inventivité de la caméra dans l’univers en image de synthèses n’a rien à envier à un Zemeckis ou un Fincher…

Vendredi 6 juillet

Death Race (réal. Paul W. S. Anderson, 2008)

Au risque de me mettre à dos un certain nombre de mes lecteurs (mais un blog de critique entraîne aussi cela), je me vois contraint de dire d’emblée que je considère Paul W. S. Anderson comme un très bon « faiseur ». Réalisateur de films efficaces et plutôt réussis à mon goût dans leur genre (Resident Evil, Alien vs. Predator, Resident Evil : Afterlife), il est même le réalisateur d’un vrai chef d’oeuvre contemporain du cinéma de science-fiction et d’horreur : Event Horizon. Avec Death Race, Anderson signe un film d’action mené tambour battant, sans faute de rythme, porté par l’un des acteurs-stars du genre, Jason Statham. Alors si le film est un remake du Death Race 2000 produit par Corman et réalisé par  Paul Bartel en 1975 (avec Stallone dans le rôle titre), la nouvelle mouture est incontestablement plus réussie que l’original. Le scénario n’est pas particulièrement recherché mais la simplicité de sa structure permet au film de s’attarder sur ce qui fait tout son sel et son intérêt : la réalisation. Inventive, nerveuse, jamais classique, la mise en scène porte le film du début à la fin. Entre les scènes d’ouverture, dont le travail de la photo est d’excellente qualité, et les scènes de course en voitures, Anderson nous montre à quel point il maitrise son sujet. Le montage et les effets sonores sont redoutables tant ils accompagnent à la perfection le film et sa violence graphique très explicite. Pour parachever le tout, le casting est assez réussi et les gueules des comédiens secondaires sont raccord avec le sujet et son ambiance. En bref, un film de genre très réussi et que je conseille vivement, avec la réserve qu’il s’agit bien évidemment d’un film qui ne se prend pas plus que cela au sérieux et dont les ambitions se limitent à ce que ce type de film a à offrir.

Samedi 7 juillet

Star Wars Épisode I : la menace fantôme (réal. Georges Lucas, 1999)

Je n’avais pas revu le film depuis sa sortie, il y a une douzaine d’années et décidément, Georges Lucas aura réussi à me décevoir encore et encore… Passons d’abord sur le syndrôme « Star Wars prequel » qui veut que la technologie de l’époque de la trilogie des années 2000 soit plus avancée que celle des années 80, alors qu’elle se déroule plusieurs décennies avant. Si l’on comprend bien que les avancées techniques en termes d’images de synthèse sont telles que des différences évidentes allaient se faire jour, il aurait fallu faire des choix esthétiques qui auraient travaillé dans le sens inverse (à l’instar de Prometheus et de son vaisseau, en rapport avec le premier Alien). Or justement Lucas ne va pas du tout faire ce choix là, bien au contraire. L’esthétique de cette prequel est particulièrement aseptisée et beaucoup trop technologique et colorée par rapport à la trilogie originelle. Ensuite, l’écriture est ampoulée, et le choix évidemment suspect du personnage de Jar Jar Binks est une grossière erreur de « casting » ; même ma fille de 7 ans le trouvait énervant. Au final, le film se traîne et l’on peut sentir le désir de la production d’en tirer un maximum de produits dérivés dans la succession de scènes que le film propose. Heureusement, les deux épisodes qui suivront seront bien plus réussis que cette médiocre mise en bouche de l’une des sagas les plus célèbres de l’Histoire du cinéma.

Dimanche 8 juillet

L’Âge de glace 4 : la dérive des continents (réal. Steve Martino & Mike Thurmeier, 2012)

Dans mon esprit j’ai toujours opposé pour je ne sais quelle raison deux séries d’animation récentes, Ice Age et Madagascar. Comme la première est un poil plus ancienne que la seconde (ce qui explique le décalage du nombre d’épisodes), elle souffrait au départ d’une réalisation un brin moins aboutie et plus « grossière ». Malheureusement, c’est encore le cas aujourd’hui et, à l’exception peut-être de gros efforts sur le n°3, les détails au niveau du background ou de l’esthétique des personnages ont toujours été un cran au-dessous de la série de Dreamworks, qui elle au contraire a toujours été, à mon goût, moins fine et moins élaborée, en termes d’écriture que la série de la Fox (toute proportion gardée bien entendu, car on ne peut pas dire que ces séries d’animation brillent par l’intelligence ou la profondeur de leur scénario). Ainsi, je me délectais plus facilement de l’histoire des Ice Age, mais ce 4ème épisode aura eu raison de cet état de fait. Je ne boude pas mon plaisir non plus, j’ai bien rigolé devant ce film et quelques séquences (en particulier celles avec Scrat) certains ou personnages (surtout celui de la Mémé) m’ont beaucoup fait rire, mais je trouve que le film manque de souffle et de la folie qui avait fait du troisième opus un film très réussi. Reste une bonne partie de rigolade, plus sympathique que Madagascar 3, moins bien réalisée peut-être (et c’est dommage) mais quand même plus divertissante.

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Deux semaines de films – du 18 juin au 1er juillet 2012

Posted by Axel de Velp sur 5 juillet 2012

Je vous propose, à l’occasion, un récapitulatif des films que j’ai visionnés sur une semaine et de vous en donner une lecture, à la fois critique, partiale et plus ou moins succincte, selon ce que les films m’inspireront au fil de l’écriture de ces billets, que je souhaite les plus spontanés possible. J’espère parfois vous donner envie ou vous dégoûter, selon chacun, chacune et chaque film…
Dans la mesure du possible, je m’abstiendrais de dévoiler trop des films, sauf quand j’estimerai qu’ils font partie du patrimoine cinéphilique obligatoire (j’exagère bien entendu), ou bien lorsque mon propos ne pourrait se passer, pour être limpide, d’explications précises, ou bien aussi lorsque je n’aurai que trop peu d’estime pour le film en question.

Si la première des deux semaines critiquées ici fut chargée en « matériau », on ne peut pas en dire autant de la seconde, d’où l’idée de les réunir pour la publication. Finalement, en l’espace de 14 jours, je me serai baladé de films en films sur des cinématographies très variées tant par leur nationalité que par leur genre. Je vous laisse le soin de découvrir cette balade, qui va du film d’espionnage au film social anglais, en passant par les comédies potaches françaises et US, le film d’auteur mexicain et l’animation nippone !

Lundi 18 juin

L’Affaire Rachel Singer (réal. John Madden, 2010)

Remake d’un film israélien de 2007, Ha-Hov, de Assaf Bernstein, The Debt raconte comment 3 agents du Mossad, Rachel, David et Stephan, en mission en Allemagne de l’Est dans les années 60, vont tenter d’exfiltrer, après l’avoir enlevé, un ancien nazi, le « chirurgien de Birkenau » (surnom qui a été donné dans la réalité à Mengele »). 30 années plus tard, les protagonistes sont de nouveau confrontés à ce passé périlleux, dont le secret le plus retentissant n’appartient qu’à eux. Même si assez rapidement on peut se douter du secret de polichinelle que cache le récit, il faut avouer que le récit en flash-back est assez intelligemment mené, par le biais d’une narration limpide et bien structurée. On se trouve là devant un film d’espionnage assez classique, mais efficace. Je ne me prononcerai pas sur ses qualités ou ses défauts de remake, n’ayant pas vu l’original, mais au vu des articules publiés ici ou là sur la Toile, il semblerait que le film US mette plus l’accent sur le triangle amoureux entre les 3 agents que le film israélien, ainsi que sur quelques rares scènes d’action, dont une plutôt réussie (l’échec de l’exfiltration) et une autre assez ratée (la bagarre dans l’asile à la fin du film). Finalement, la mise en scène plate mais conventionnelle, le jeu des comédiens là aussi très attendu mais sans fausses notes, donne un film une efficacité et une facture de qualité. Pas inoubliable, The Debt permet néanmoins de renouer avec plaisir avec un cinéma d’espionnage, que les américains ont eu tendance à négliger cette dernière décennie, mais qui semble revenir en force depuis un ou deux ans.

Mercredi 20 juin

Le Filet (réal. Emilio Fernandez, 1953)

Réalisé par l’un grands noms du cinéma mexicain de la seconde moitié du XXème siècle, Le Filet est un film qui narre la vie à trois de deux brigands et de la femme de l’un d’entre eux (ancienne amante du second), vivant en reclus au bord de la plage, sur les falaises, survivant grâce aux poissons et aux éponges, qu’ils vendent sur le marché du village voisin. Film assez avare en dialogues, une grande partie des enjeux du triangle amoureux se situent dans le jeu tout en gestes, regards et attitudes des comédiens. Appuyé par une mise en scène classique (dont l’usage d’éléments de premier plan, comme perturbateur de la lecture du cadre, sont autant de clins d’œil à un Von Sternberg, pour ne citer que lui), le montage est d’une rare efficacité tant il sait appeler d’un plan à l’autre les enchaînements que la narration du récit imposent. Cependant, le film repose avant tout sur la présence ensorcelante de son actrice principale et de sa plastique envoutante (le cinéaste ne s’y est d’ailleurs pas trompé, puisqu’elle passe près des ¾ du film dans des tenues suggestives ou la mettant en valeur plus que de nécessaire ou de réaliste). Pour finir, le film, et son histoire somme toute banale, est également sublimé par une photographie magnifique, qui rend parfaitement justice à cette côte mexicaine, faîte de jungles éparses, de falaises rocheuses et peu arborées, de plages aux vagues incessantes, dont le ressac scande le passage lent des heures du jour. Seul élément du récit qui sort quelque peu du schéma habituel auquel on peut être habitué pour ce genre de films : la protection offerte par la ville aux brigands en cavale, réfugiés près de la mer, est le signe profond d’une méfiance du Mexique populaire et rural face à son État et le gouvernement et les instances qui le représentent (en particulier la police fédérale).

Jeudi 21 juin

The Dictator (réal. Larry Charles, 2012)

Sacha Baron Cohen fait certainement partie des grands comiques américains apparus ces 15 dernières années : l’acteur est excellent (revoir le dernier Scorsese sur ce point pour le comprendre) et les déploiements comiques qui sont les siens sont toujours assez osés. Si je n’ai pas encore vu Brüno (mais je vais vite me rattraper), Borat en revanche m’avait laissé une impression mitigée, mais globalement positive. Quelques séquences (comme celle qui se déroule dans une église protestante fondamentaliste si je me souviens bien) en rattrapaient largement d’autres. Par des effets comiques s’appuyant sur les principes de l’excessif, de l’outrage ou de l’opposition à la bienséance et le politiquement correct, Baron Cohen nous force à regarder nos propres travers et à nous remettre en question sur nos excès de bonne volonté ou de bons sentiments. Mais avec The Dictator, il nous force aussi à être critique sur les excès inverses : à trop vouloir parfois s’affranchir d’une « bien-pensance », cela nous pousserait à oublier les raisons de tel ou tel contrat social aujourd’hui établi. Il en va ainsi dans The Dictator, lorsqu’il est très évident pour lui que c’est l’environnement qui détermine l’homme (jusqu’à un certain point). Là aussi le film passe d’une scène comique à l’autre, mais avec une intelligence du « liant » scénaristique et narratif bien plus réussi que ça ne l’était dans Borat. Le film joue également très bien de son image et de tout l’environnement qu’il a su créer autour, qui en font à la fois un élément subversif et en même temps une énorme machine de marketing très bien huilée… C’est la force du cinéma de Baron Cohen : savoir remettre en causes les autres et jusqu’à soi-même. Se montrer comme l’étape ultime du travail de dérision, auquel rien ne doit échapper, pas même la dérision en propre.

Vendredi 22 juin

Adieu Berthe, l’enterrement de Mémé (réal. Bruno Podalydès, 2012)

Pour moi Denis Podalydès est l’un des plus grands acteurs français de ces vingt dernières années. Avec d’autres, comme Jean-Pierre Darroussin par exemple, il propose une présence, une subtilité différente de l’ancienne garde d’acteurs français. Chez lui, c’est un jeu, hérité du théâtre, mais affranchi des limites des planches et de la scène, et qui sait allier sophistication et naturel immédiat. En tandem avec son frère, ils ont proposé des films de qualité variée mais toujours d’une intelligence délicate et spontanée, même quand ils adaptent Gaston Leroux. Avec Adieu Berthe, les frères Podalydès nous proposent de réfléchir sur des sujets sérieux (la mort, la séparation, l’adultère, l’indépendance), au travers de personnages loufoques et un peu barrés, à tout le moins paumés. Le film aborde ces questions sérieuses avec beaucoup d’humour, tant dans les dialogues que dans les situations comiques, et ce qui fait le lien entre tout cela, c’est une touche de poésie, incarnée par la référence constante à la magie. La réalisation comme souvent chez Bruno Podalydès n’est pas sans efficacité avec un certain classicisme, cependant quelques scènes viennent donner un léger grain de folie visuelle. Il ne faut cependant pas se leurrer, il s’agit là avant tout d’un cinéma centré sur le récit et la narration, par le biais des dialogues et du jeu des comédiens, et dans ce genre-là, il faut reconnaître que le film est une réussite complète. Je ne saurai que trop le conseiller…

La Vérité si je mens ! 3 (réal. Thomas Gilou, 2011)

Si je reconnais que les deux premiers opus étaient disposés à me faire rire, le plus souvent de bon cœur, je ne peux pas en dire autant de ce troisième volet. J’ai pu sourire à l’occasion, peut-être même rigoler franchement sur une ou deux scènes, mais ça s’arrête là. On sent les acteurs fatigués par des accents et des situations comiques qui se répètent. La réalisation est peu inspirée, parfois même bancale et supporte mal quelques grossières erreurs de montage. Mais ce qui est sûrement le plus désagréable c’est l’indécence de valeurs du film et l’ignorance de la réalité sociale de la France d’aujourd’hui dans laquelle baigne le film. Il est des comiques dont il ne faut pas rire à certains moments, quand bien même je pense que l’on peut rire de tout, encore faut-il savoir comment on doit le faire. Les années écoulées entre le deuxième et le troisième film ont changé certaines donnes. Le « bling-bling » ne fait plus rire ou fantasmer de la même façon qu’avant et même dans l’idée qu’il faudrait proposer au spectateur morose une évasion de sa triste réalité, la mise en scène de cette évasion ne fait pas vraiment rêver…

Samedi 23 juin

Romeo + Juliet (réal. Baz Luhrmann, 1996)

Près de quinze après sa sortie, le film de Luhrmann garde sa force toute particulière. Vidéoclip version longue pour les uns (dont je ne fais pas partie), sublime adaptation post-moderne de la pièce de Shakespeare (mon opinion bien entendu), il n’en demeure pas moins, quelque soit le côté vers lequel on penche, qu’il faut saluer dans la démarche de Luhrmann deux éléments qui ne peuvent que rendre l’entreprise singulière : premièrement le choix de coller au texte le plus possible, non pas dans la coupe de certaines scènes ou répliques, mais surtout dans le texte lui-même, ce phrasé si particulier de l’anglais de l’époque. Deuxièmement, le choix de placer ce texte dans un environnement qui lui semble étranger : une version moderne de Verona, à mi-chemin entre la ville californienne décadente et la cité balnéaire mexicaine, en proie à la fureur des armes et des gangs. Pour le moi, le charme opère : réalisation survoltée mais toujours à propos, esthétique kitsch en parfaite harmonie avec le décalage entre la « mise en place » et le texte d’origine, bande originale choisie avec une maestria digne d’un Tarantino ou d’un Kubrick dans leur genre et jusqu’au casting qui malgré beaucoup de seconds rôles à peine effleurés (les parents de Romeo, le Prince et d’autres) est d’une intelligence et d’une qualité rarement atteinte sur l’ensemble des rôles. Reste au final également la révélation de deux jeunes comédiens, DiCaprio et Danes qui livre ici un jeu total, d’une rare finesse et d’une juste emphase, jeu qui n’est jamais éclipsée par la mise en scène faste et halluciné de Luhrmann.

L’Étrange Noël de Monsieur Jack (réal. Henry Selick, 1993)

Pour des questions familiales (qui seront reproduites ci-dessous avec L’Ours), j’ai vu ce film en VF pour la première fois. Alors que je ne l’avais jamais vu autrement qu’en VO (j’ai découvert ce film en trailer sur une VHS importée d’Angleterre de Reservoir Dogs et lorsque je le vis pour la première fois, ce fut sur un support identique), je me suis rendu compte de deux choses : la première, c’est la force des textes d’Elfman inspiré par le scénario de Burton, McDowell et Thompson, qui malgré une traduction, reste entière. La seconde c’est la capacité de Burton à avoir créé un imaginaire à partir de contes, légendes et folklores, qui capte l’attention, met le spectateur en terrain connu, tout en lui ménageant de constantes surprises. Alors il ne faut pas oublier que la réalisation n’est pas de Burton, mais de Selick, dont la suite de la carrière (James et la pêche géante, Coraline) prouvera bien qu’il ne fut pas qu’un tâcheron à la solde de Burton sur le film, bien au contraire. La qualité de l’animation image par image est exemplaire et colle parfaitement aux chansons d’Elfman, qui prête d’ailleurs sa voix dans la version originale. La mise en scène est assez élégante et par moment très enlevée, le rythme du film ne s’essouffle jamais et sait toujours rebondir d’une situation à une autre.

Dimanche 24 juin

L’Ours (réal. Jean-Jacques Annaud, 1988)

Je n’avais pas revu ce film depuis ma tendre enfance et le redécouvrir en Blu-ray fut un vrai plaisir. J’avais le souvenir d’images marquantes et en effet la photographie (mais comme souvent chez Annaud) est magnifique et rend parfaitement justice à la montagne et aux animaux. L’intelligence du scénario réside dans sa capacité à nous faire comprendre les impératifs de l’ourson et de son « père adoptif », uniquement par le biais du montage et de l’excellent dressage des bêtes. Les séquences de rêves de l’ourson sont amusantes et le parti pris d’une animation image par image (réalisée par un spécialiste tchèque Bretislav Pojar) est un choix pertinent afin de créer une frontière entre les deux niveaux de récit, en particulier pour faire comprendre facilement à des enfants (public premier du film) le passage de l’un à l’autre. L’émotion que le film dégage est du aussi en partie au jeu des comédiens, en particulier Tchéky Karyo, qui trouve ici certainement l’un de ses meilleurs rôles. La narration ne fait preuve d’aucune erreur de rythme et le film se déroule implacablement jusqu’à sa fin, un peu idyllique mais ô combien positive. Le regarder reste donc une expérience visuelle et émotive très forte, autant pour les plus jeunes que les plus âgés…

Millenium Actress (réal. KON Satoshi, 2001)

Réalisateur de 4 films et d’une série télévisée (il a bien entendu participé à beaucoup d’autres productions animées que juste celles-là), KON Satoshi nous a quitté bien trop tôt pour que son œuvre semble achevée. En effet, le réalisateur de Perfect Blue, Millenium Actress, Tokyo Godfathers, Paprika et Paranoïa Agent, semblait vouloir toujours se faire télescoper réalité et monde imaginaire ou virtuel, fantasmé ou marginal. Dans Millenium Actress, il rend un hommage vibrant au cinéma japonais depuis les années d’avant-guerre jusqu’aux années 70, par le biais d’une histoire d’amour impossible et mythifiée par sa protagoniste principale. Si la narration est complexe, c’est parce que KON souhaite que le spectateur se perde dans la mémoire de cette actrice, dont le passage du temps a mélangé ses souvenirs avec les fantasmes de ses retrouvailles avec un homme qu’elle avait protégé de la police secrète japonaise. On passe de la réalité d’un plateau de tournage à celle d’un film de sabre ou bien à celle d’un drame romantique. Le saut qualitatif d’une image virtuelle ou fantasmée à celle qui dépeint une réalité (que celle ci soit souvenir ou le présent en train de se dérouler) se fait sans aucun problème, à la fois parce que le montage le permet (dans la résolution du passage dans la coupe d’un champ/contre-champ par exemple), mais surtout parce qu’il n’y pas de différence d’image dans le dessin lui-même (à l’exception d’une séquence qui montrerait un récit « en accéléré » des films tournés par la comédienne). C’est là une des grandes forces de l’animation. Le dessin d’une scène de réalité a la même « valeur » visuelle que celui d’une scène de souvenir, de fantasme ou d’imaginaire. Cela KON l’avait parfaitement compris et il n’est pas étonnant que dans tous ses films et projets, l’animation serve avant tout un propos sur le mélange des niveaux de réalité et de perception du monde de la part de ses personnages mais finalement aussi du spectateur. Le mélange entre rêve, récit, réalité, imaginaire, est le grand propos de l’œuvre du cinéaste de Paprika. Avec Millenium Actress, il y mêle un hommage appuyé au cinéma (japonais plus particulièrement), accompagnée d’une histoire d’amour contrarié aux accents lyriques.

Mercredi 27 juin

My Name is Hallam Foe (réal. David McKenzie, 2007)

Quatrième long métrage du réalisateur anglais (qui en compte aujourd’hui sept à son actif), My Name is Hallam Foe narre les mésaventures d’un jeune homme perturbé par la mort de sa mère (dont il imagine sa belle-mère coupable) et qui va décider de fuguer de chez son père et de vivre par lui-même dans la capitale écossaise. Il va y rencontrer une jeune fille qui ressemble étrangement à sa mère dans sa jeunesse et va progressivement tomber amoureux d’elle. Si l’histoire d’amour raté que le film met en scène n’est pas particulièrement originale (sauf peut-être son dénouement qui évite au film d’être trop marqué par la tendance habituelle anglo-saxonne au happy ending), son environnement l’est déjà plus. En effet, le personnage, incarné par l’excellent Jamie Bell (Billy Elliot, King Kong, La Mémoire de nos pères), est un voyeur obsessionnel et  légèrement paranoïaque, en plus d’être gravement perturbé par la mort de sa mère, au point de sombrer dans une folie meurtrière. Cette écriture intéressante et complexe du personnage central du film, si elle plaide en faveur d’une certaine recherche de complexité dramatique, a malheureusement pour effet secondaire d’empêcher une identification facile au héros du film. Le spectateur oscille entre empathie et dégoût. Cela étant l’ensemble des personnages ne sont pas des enfants de chœur, y compris l’héroïne, et permet de fondre le personnage principal dans une masse à laquelle il semble plus ou moins bien appartenir. Le jeu des comédiens est pour beaucoup dans la qualité du film (la présence de Ciaran Hinds dans un rôle secondaire tardif est un vrai plaisir), car la mise en scène ne brille pas par son inventivité ou même son efficacité. Cela dit, elle n’est pas pour autant médiocre et fait le nécessaire, voire un peu plus si l’on ne s’arrête qu’à la photographie qui a le mérite d’être particulièrement réussie et rend un très bel hommage aux couleurs urbaines et campagnardes d’une Écosse, que l’on aperçoit que trop rarement sur nos écrans français…

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Une semaine de films – du 13 au 19 février 2012

Posted by Axel de Velp sur 19 février 2012

Je vais essayer à l’occasion de vous proposer un récapitulatif des films que j’ai visionnés sur une semaine et de vous en donner une lecture, à la fois critique, partiale et plus ou moins succincte, selon ce que les films m’inspireront au fil de l’écriture de ces billets, que je souhaite les plus spontanés possible. J’espère parfois vous donner envie ou vous dégoûter, selon chacun, chacune et chaque film….

Dans la mesure du possible, je m’abstiendrais de dévoiler trop des films, sauf quand j’estimerai qu’ils font partie du patrimoine cinéphilique obligatoire (j’exagère bien entendu), ou bien lorsque mon propos ne pourrait se passer, pour être limpide, d’explications précises, ou bien aussi lorsque je n’aurai que trop peu d’estime pour le film en question…

Nota Bene : je m’efforcerai de vous proposer des posters inhabituels des films pour illustrer leur critique.

Lundi 13 février

Eagle Eye (réal. D.J. Caruso, 2008)

Je continue dans ma lancée sur la courte carrière jusqu’à présent de D.J. Caruso, que j’avais entamée la semaine dernière (avec l’excellent Salton Sea, le très décevant Taking Lives et l’amusant mais peu remarquable Disturbia). Eagle Eye, c’est une sorte d’Ennemi d’état (Tony Scott, 1998) que l’on aurait fait passer au stade supérieur du  concept de Big Brother is watching you… mais en beaucoup moins abouti, en un peu plus idiot (j’ai arrêté de compter au premier tiers du film les invraisemblances par rapport au postulat de départ) et surtout beaucoup moins bien filmé. Pour ceux qui me connaissent et/ou qui ont lu l’un de mes premiers billets sur ce blog (celui concernant la rédemption), malheureusement ce film n’est que très dépourvu de scènes qui auront su le racheter à mes yeux. Tout au plus une scène de climax final qui aurait dû s’arrêter là, ou bien la scène d’ouverture qui en dit long (mais subtilement) sur une Amérique qui est prête à tourner la page sur 8 années de présidence Bush (le film sort en 2008 et a donc été écrit et tourné dans les mois précédents). C’est très maigre, surtout que le film manque par moment d’un peu de peps alors que certaines scènes dans le genre film d’action sont quand même assez bien faites (la scène dans le tunnel vers la fin en est un bon exemple).

Serpico (réal. Sidney Lumet, 1973)

Il me faudrait beaucoup plus que quelques lignes pour parler ici de ce film de Lumet, certainement l’un de ses nombreux chefs d’œuvres. Al Pacino incarne à la perfection le mal-être du flic honnête entouré par la corruption et le laisser-faire généralisé. Ses errances, ses déprimes, ses montées de rage et de colère sont à la mesure du film qui enchaîne les morceaux de bravoure, tant dans ce qu’il dénonce que dans sa mise en scène de situation limite. Chapeau bas à quelques scènes qui restent gravées en mémoire : l’arrestation d’un voyou de mèche avec les flics de son commissariat et qui oblige Pacino à mettre ses collègues devant le fait accompli, sa dernière dispute avec sa compagne dans le café puis dans la rue, sa rencontre avec les autres flics corrompus dans le parc, enfin la scène quasi de fin de l’arrestation chez les narcos et qui entraîne son accident. Lumet, au-delà du sujet politiquement risqué, montre New York et ses environs comme il sait toujours aussi bien le faire : une lumière réaliste, des lieux de tournage variés et toujours à propos et un montage classique mais au combien efficace dans sa manière de traiter les ellipses et d’accompagner lentement mais sûrement le spectateur dans la terrible catabase de l’officier Serpico. Lumet se réattaquera quasiment au même sujet dans le « film somme » Prince of the City (1981), malheureusement épaulé par un Treat Williams, efficace et crédible, mais à mille lieux du jeu de Pacino.

Mardi 14 février

I Love You Phillip Morris (réal. Glenn Ficarra, John Requa, 2009)

St Valentin oblige ou pas, ce choix de film à consonance romantique ? En fait pas vraiment, mais l’idée était de s’amuser plus que de réfléchir beaucoup devant cette toile. Et il faut dire que le film fait là son office. Il est amusant, même assez drôle par moments et les deux stars masculines (Carrey et McGregor) y sont bien entendu pour beaucoup. Le fait, qui plus est, que le film soit bâti sur des faits réels vient ajouter indéniablement à la légère fascination que le personnage principal produit sur le spectateur. Les films, qui traitent d’arnaques et d’escroquerie et dont l’auteur de ces « vilains » actes est présenté comme sympathique, arrivent toujours à séduire le public : ils reposent sur la monstration en plein exercice d’un esprit criminel, mais parce que présenté comme sympathique, au-delà de sa moralité répréhensible, ce qui fait mouche chez le spectateur c’est son ingéniosité et sa débrouillardise. On ne peut pas dire que le film ne soit pas généreux de ce côté là. Plus largement, le film est également bien rythmé et sa mise en scène bien coordonnée à son propos et ses effets. Choix d’un flash-back et d’une voix-off, qui eux aussi sont efficaces et viennent clôturer un film que je recommande chaudement si l’on veut s’amuser et être un tant soit peu abasourdi par l’inventivité criminelle et la stupidité d’une certaine Amérique (comme dirait le personnage de Carrey : « Fuckiiiiing Texas »).

Mercredi 15 février

I am Number Four (réal. D.J. Caruso, 2011)

Je finis ici mon survol de la carrière de D.J. Caruso par son film le plus récent et le plus insignifiant. Que dire de cette sombre m%*$# si ce n’est que rien n’a su le racheter à mes yeux. Ni même une seule idée intelligente de mise en scène. Les méchants semblent repris d’un mauvais épisode de Buffy (et contre toute attente j’ai aimé cette série…), le scénario est aussi mauvais qu’une blague carambar et le jeu des comédiens (y compris l’habituellement sympathique Timothy Oliphant) vole aussi haut qu’un épisode de Plus belle la vie (désolé pour Carla et les autres qui apprécient la série de France3). Finalement, D.J. Caruso qui avait très bien entamé sa carrière avec Salton Sea, montre qu’il n’est ni plus ni moins qu’un faiseur sans véritable talent, qui n’arrive pas à remonter le plus naufragé des projets… C’en est à se demander si Salton Sea n’aurait pu être meilleur que ce qu’il est déjà, s’il avait été confié à un autre réalisateur… ?

A Single Man (réal. Tom Ford, 2009)

Je dois avouer que je voulais voir ce film depuis longtemps mais l’appréhension que j’avais quant à la tristesse de son sujet me freinait régulièrement et m’empêchait de passer à l’acte. Finalement je fus surpris, car même s’il est vrai que le film n’est pas dénué de mélancolie, même si son sujet n’a rien de réjouissant, le film reste quand même une formidable ode à la vie. Il est d’abord magnifiquement soutenu par le jeu tout en subtilité de Colin Firth et la flamboyance, bien que fugace, de l’apparition de Julianne Moore. Par moments, l’on pourrait se croire chez un héritier de Douglas Sirk, mais dans une version pervertie ou étrangement décalée (je pense à la scène où le personnage principal part de chez lui en voiture et salue ses voisins). Ensuite le film met en scène avec justesse et finesse le désenchantement d’une frange de la population qui sent bien que son émancipation n’est plus très lointaine mais qui sait pertinemment aussi combien la lutte devra encore être soutenue pour qu’elle ait, elle aussi, droit à la lumière et à la reconnaissance sociétale que tout un chacun rêve d’obtenir…
Si la jeunesse semble être le relais de ce combat et de cette volonté, la fin du film la laisse toute fois en pleine déshérence. Tom Ford réussit le tour de force pour un premier film au sujet délicat, non seulement de marquer l’essai qu’il a choisi de traiter, mais encore de le transformer en lui adjoignant les services d’une mise en scène très maniérée, mais en phase avec son sujet. Les jeux sur les couleurs qui vont et viennent au gré des émotions du personnage central sont à la hauteur du jeu subtil que Firth leur donne à accompagner et appuient avec poésie et un pathos très maîtrisé les processus d’identification que le réalisateur met en place entre son film et le spectateur. A quand un prochain film M. Ford ?

The Eagle (réal. Kevin MacDonald, 2011)

Kevin MacDonald vient du documentaire (et y retourne encore régulièrement puisque l’un de ses prochains films sera un docu consacré à Bob Marley). Après Le Dernier Roi d’Ecosse, particulièrement réussi sur le dictateur africain Idi Amin Dada et Jeux de pouvoir, qui avait le mérite de proposer une lecture relativement intelligente des influences politiciennes à Washington sur les médias (et un parfum de Lumet mélangé à du Pollack ou du Pakula), je dois avouer que je ne savais pas trop à quoi m’attendre de son incursion dans le péplum ou plus exactement le film d’aventure historique. Force est de reconnaître que le film est très réussi. D’abord parce qu’il traite d’un aspect de Rome peu mis en scène : les confins britanniques de l’empire ; ensuite parce que comme souvent chez MacDonald la réalisation est efficace sans être trop maniérée (quoique les scènes finales sont de ce point de vue quelque peu décevantes). Finalement le film est plus réussi dans sa dimension de film d’aventure que de film historique. Difficile en effet de se laisser convaincre, quand bien même ce serait très documenté, par la vision qu’offre le film des peuplades anglo-saxonnes auxquelles s’oppose le héros centurion. Cependant, une scène assez impressionnante ravira tous les aficionados de la Rome antique et des légions : la bataille à l’extérieur du camp romain où la manœuvre dite de la tortue démontre toute son efficacité.

La Prisonnière Espagnole (réal. David Mamet, 1997)

Certainement l’un de mes films préférés, du moins dans son genre. Mamet y fait preuve d’un sens du rythme et de l’écriture assez diabolique et bien au-delà du simple machiavélisme du scénario (assez réjouissant cela étant). Le réalisateur concentre ici toutes les marottes de sa carrière (en tant que scénariste et réalisateur) et donne à voir un concentré de ses préoccupations principales. Le film enchaîne les scènes toutes plus subtiles et délectables les unes que les autres : la scène, matrice du film, sur la plage paradisiaque, la réunion de travail autour du « process » (hommage enamouré à Hitchcock et à son concept de MacGuffin porté à son extrême), la scène dans Central Park, la scène dans l’aéroport et pour finir, bien entendu, la scène sur le ferry. Quasiment systématiquement Mamet déconstruit la dynamique de chacune de ses scènes pour en proposer une échappée différente, voire opposée, à ce que la programmation de la scène en terme de narration préparait le spectateur, le prenant ainsi toujours à revers ou à rebours de son intuition et de son travail personnel sur le film.
Cependant, Mamet le fait avec intelligence et non roublardise et à aucun moment le public ne se sent floué de ce que les scènes déroulent : à chaque fois qu’elles se développent différemment, il était en notre pouvoir avec une fine analyse de l’image et de ses constituants d’en deviner la signification autre et d’en prédire la fin différente de sa programmatique annoncée. Mais Mamet nous met devant l’une des plus grandes vérités du public face aux films : sa passivité et sa trop grande acceptation à se laisser guider, plutôt que de réfléchir sur l’image et sur ce qu’elle nous donne réellement à voir et à déchiffrer…

Jeudi 16 février

Un prophète (réal. Jacques Audiard, 2009)

Encore un film que j’ai tardé à voir alors que son succès unanime et mon appréciation des précédents films d’Audiard aurait dû me pousser à le voir plus vite. Il est vrai que le film est une claque pour le jeu de Rahim, qu’il dépeint avec un rare naturalisme les rapports de pouvoir au sein des « pensionnaires » de l’institution pénitentiaire française, que l’intelligence de la structure narrative d’Audiard soumet le film, malgré sa longueur indéniable, à une succession d’enchaînements auquel le spectateur ne peut échapper et qui le laisse souvent sans voix. On retrouve la qualité de l’écriture propre au réalisateur de Regarde les hommes tomber ou Un héros très discret, la caractérisation psychologique très juste des personnages que l’on avait su apprécier dans De battre mon cœur s’est arrêté, ou encore la mise en scène efficace des scènes d’action qui avaient su nous éblouir dans Sur mes lèvres (d’ailleurs la scène d’exécution dans la voiture des corses est une grande scène d’action à la française réussie). Cependant, je trouve néanmoins que le film par moments manque de quelque chose… Il passe trop vite sur certaines scènes, énonce les choses avec trop de lucidité et donne parfois de l’ampleur à des scènes d’une grande trivialité. Je pense ici à tout le versant « gangster » du film qu’Audiard choisit de traiter quand bien même il est « centré » sur la prison : il aurait été préférable à mon sens de ne pas le traiter autrement que par procuration, ce qu’il fait de temps en temps, mais pas assez pour que cela devienne systémique au sein du film.
Au final, je suis encore, je pense, sous le choc de l’énergie déployée par le film pour en avoir une lecture critique posée, mais ces premiers reproches que je lui oppose me semblent bien fondés et non une élucubration de ma pensée. Un prophète restera certainement un film étape dans le parcours professionnel d’Audiard, mais aussi à mon sens comme le marqueur du passage à quelque chose d’autre, quelque chose de peut-être plus ambitieux qu’avant mais par moments moins maitrisé ou moins en conformité avec ces mêmes ambitions que le film amène…

Lascars (réal. Emmanuel Klotz, Albert Pereira-Lazaro, 2009)

Tiré de la série télévisée éponyme diffusée sur Canal+ en 2000 (1ère saison) et 2007 (2nde saison), le film Lascars reprend la richesse graphique de la série en lui donnant tout de même plus de moyens et d’ampleur. Outre un casting de voix alléchant et très à propos, le film ne manque pas d’humour et propose quelques scènes inoubliables, comme celle du tournage porno dans le « sous-aquaboulevard » de banlieue, la scène de teuf monstrueuse dans le manoir neuilléen, la fête d’accueil de la nouvelle recrue dans la police ou encore les nombreuses scènes montrant Zoran et ses recherches de conquêtes féminines. L’animation assez fluide et le travail sur les détails des layouts font oublier quelques à-plats de couleurs peu heureux par moments, tellement on sent un travail un peu bâclé. Le film est soutenu par un rythme conséquent et un scénario pas inoubliable mais suffisamment prenant pour que l’on reste attaché tout du long aux déboires de ces personnages bigger than life pour certains ou too losers to be losing pour d’autres…

Bronson (réal. Nicolas Winding Refn, 2008)

En l’espace de quelques films Refn s’est imposé comme l’un des réalisateurs les plus prometteurs de sa génération. Même si je n’ai toujours pas vu la trilogie des Pushers (et c’est au programme, rassurez-vous), ses trois derniers films, Bronson, Valhalla Rising et Drive sont chacun dans leur genre et style respectif des petites pépites de mise en scène, de montage et de narration maîtrisés. Refn arrive à rendre parfaitement l’horreur et la folie d’un homme corrompu par la violence du système carcéral anglais et qui va entamer une spirale infernale où seuls les coups et le sang ont un sens libérateur. Même si on ne peut s’empêcher de penser à Kubrick (et c’est aussi le cas face à Valhalla Rising, mais évidemment pas pour les mêmes raisons), là où Orange mécanique parlait volontairement de problèmes de société et d’inadéquation entre ces problèmes et les solutions opposées à eux, Refn propose un film plus personnel, où la nature du personnage central est avant tout le problème et pas forcément le produit d’une quelconque société. Etonnamment, le film ne critique que très peu les prisons anglaises, du moins pas plus que la majorité des films traitant habituellement le sujet.
En revanche, la question de « l’ultra violence » est plus approchée comme le symptôme d’un mal-être, l’expression visuelle (et pour cela le film ne lésine pas sur les effets liés à cette violence) d’une différenciation de Bronson à son environnement immédiat. La mise en scène de Refn est dynamique, inventive et maniérée, mais jamais excessive, comme elle ne l’est d’ailleurs jamais dans ses autres films. Elle vient toujours souligner son propos et l’appuyer avec intelligence, en donnant un écrin travaillé et soigné aux images qui l’illustrent toujours parfaitement.

Vendredi 17 février

Aliens (réal. James Cameron, 1986)

Si aujourd’hui Cameron est le réalisateur des plus grands dépassements de budget (Titanic, Avatar) et celui d’une certaine forme de mièvrerie pour certains ou de romantisme naïf mais touchant pour d’autres (dont je fais plutôt partie), il fut un temps où Cameron était surtout un réalisateur de films à effets (comme on disait alors) : The Terminator, The Abyss, Terminator 2 et bien entendu Aliens. Suite du succès planétaire de Ridley Scott, Cameron prend le premier film complètement à contrepied. Là où Scott misait sur l’indicible et l’invisible, Cameron va en montrer plus que de mesure… Là où Scott opposait la terreur solitaire et inconnue à un équipage plongé dans l’incompréhension et l’ignorance, Cameron va opposer les muscles et la technologie (toujours assez déficiente) aux nombres et à l’irrédentisme des xénomorphes qui se sont accaparés la station des colons. L’on y trouve bien sûr la figure féminine iconique propre à Cameron (et qui dépasse largement le personnage de Ripley héritière du premier volet) et qui est le ferment fondateur de tous ses films. Mais au-delà de toutes ces évidences que Aliens démontre quant au cinéma de Cameron, il est une chose qui m’a toujours particulièrement étonné dans ce film, c’est l’écriture très réussie des personnages secondaires : en l’espace de quelques scènes d’introduction qui n’ont l’air de rien, la narration arrive à nous faire connaître quasiment tous les noms de ces personnages avant la première moitié du film. Non seulement, cela requiert de la part de l’écriture mais aussi du montage une prouesse inhabituelle (pour un film qui compte pas moins de 12 personnages secondaires non négligeables), mais en plus cela sert la tension que le cinéaste veut provoquer avec son film.
Puisque Cameron abandonne l’idée de travailler sur la peur pour cette suite, et alors qu’il réalise une sorte de film de guerre aux pays des aliens, la proximité des liens qu’il aura tissés entre les spectateurs et sa galerie de personnages se révèlera payante dès lors qu’à la première moitié du film, quasiment les ¾ des personnages seront morts… Ainsi il laisse le spectateur sans repère, abandonné par tous ceux qu’il imaginait être ses protecteurs pour le restant du métrage. Le cinéaste provoque ainsi une déstabilisation du public qui sera ensuite ce sur quoi il passera son temps à s’appuyer pour créer une tension quasi tenue jusqu’à la fin du film : les survivants se réfugient pour se protéger dans la station – paf, le réacteur est en surchauffe et maintenant ils doivent lutter contre, outre les aliens, la montre ; ils ont pris le temps de tout barricader autour d’eux – paf, ses maudites bestioles passent par le toit ; ils arrivent à leur échapper (moyennant quelques pertes) – paf la petite fille est enlevée ; la navette arrive – paf hors de question de partir tout de suite, Ripley va aller la sauver ; elles viennent d’échapper in extremis à la reine des bestioles – paf la navette n’est plus là à les attendre ; pour finir, tout le monde a réussi à échapper aux aliens et à l’explosion nucléaire – paf cette maudite reine s’était cachée dans le train d’atterrissage de la navette…
Finalement, Aliens n’est qu’une succession habile de tensions dont la clé de résolution vient échapper au spectateur, pour lui proposer à la place une nouvelle tension. Pas étonnant dès lors que la version spéciale (celle regardée ici même) ne vienne qu’ajouter à l’exemplaire leçon de cinéma que donne Cameron en matière de rythme et de réalisation soutenue.

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